Neal Morse est un boulimique de travail, cette assertion n'étonnera pas qui s'intéresse à la carrière de l'Américain. Jamais à court d'idées, c'est en composant de nouvelles chansons durant le confinement qu'il se dit 1) que ce serait plus amusant de les chanter à plusieurs voix 2) que ce serait encore plus amusant si les autres composaient aussi des chansons et que chacun puisse apporter ses idées aux compositions des autres. Fort de ce projet, il contacte Ross Jennings (Haken) et son ancien complice de Spock's Beard Nick D'Virgilio (Big Big Train) qui acceptent immédiatement avec enthousiasme.
"Troika", fruit de cette collaboration, ne sonne ni comme Haken, ni comme Big Big Train ou Spock's Beard, et même pas comme The Neal Morse Band. Point de rock (et encore moins de metal) progressif, l'album est un recueil de simples chansons majoritairement acoustiques dont les points forts résident dans la qualité des mélodies, toutes plus agréables les unes que les autres, et dans les harmonies vocales, point de départ de cette histoire. Les voix des trois chanteurs se mêlent, s'harmonisent et se répondent à merveille dans des chœurs et contrechants qui font tout l'intérêt de ce disque.
Plusieurs titres rappellent un célèbre trio des années 70 qui lui aussi portait le nom des trois musiciens qui le constituait. Comment ne pas songer à Crosby, Stills & Nash en écoutant le titre d'ouverture 'Everything I Am' qui, de l'aveu même de Neal Morse, a été conçu dans le but de sonner comme… ? 'You Set My Soul On Fire', 'A Change Is Gonna Come' ou 'King For A Day ', dans la même veine, retrouvent ce folk rock si mélodieux qui donne envie de faire tourner l'album en boucle.
Même moins typés Crosby, Stills & Nash, la plupart des autres titres conservent cette unité de ton par la présence massive des harmonies vocales, des guitares acoustiques et de mélodies facilement mémorisables. Seul accroc au programme, la trilogie 'If I Could', 'King For A Day' et 'Second Hand Sons' délaisse le pop rock acoustique 70's pour lui substituer un titre flirtant avec le prog, un rock vigoureux et du pur hard rock. Peut-être la production aurait-elle été mieux inspirée de disperser ces titres d'humeurs différentes plutôt que de les regrouper en fin d'album, ce qui, malgré les qualités intrinsèques de chaque chanson, casse un peu l'ambiance qui avait été installée.
Cela n'empêche pas "Troika" d'être un album très plaisant à écouter, gorgé à ras bord de chansons plus mélodieuses les unes que les autres, tantôt solaires, tantôt mélancoliques, tel le superbe 'What You Leave Behind' qui clôture l'album et qui ne donne qu'une envie, réappuyer sur la touche Play.