L’album démarre pied au plancher avec un ‘Entity’ qui lorgne du côté de Liquid Tension Experiment et de Dream Theater, avec toutefois un côté plus grave dans l’interprétation. La technicité est déjà à son paroxysme alors qu’une avalanche de notes déferle sur l’auditeur. La fin du titre pourrait rappeler un Haken première période avec des sonorités proches de leur titre ‘Eternal Rain’. Se limiter à ces influences serait en revanche totalement réducteur tant les deux instrumentistes se régalent en arpentant des styles encore bien différents. Du galopant ‘Nexus’ qui emprunte des rythmiques à Symphony X au surpuissant ‘Gemini’ qui lorgne du côté du death metal avec son blast beat rapide, le groupe n’hésite pas à se balader dans les sonorités les plus extrêmes du metal.

Etrange est tout aussi efficace sur les titres plus calmes. Impossible de ne pas mentionner 'Irradiance' et sa basse funky ou l’impressionnant 'Möbius' avec son début au piano typé néo-classique et ses ambiances plus electro à la "Stranger Things", toujours en gardant cette veine épique et symphonique. ‘Gemini’ nous permet de voyager en pleine Egypte tandis que le début d'Eclipse’ propose des synthés kitsch typés 80’s mais terriblement opportuns. Quelle que soit l’intention, les six titres de cet album sont toujours portés par un sens aigu de la mélodie, à l’instar du somptueux final d’’Irradiance’.

Enfin, un mot sur Deadale (guitares, basse) et Velhon (claviers, programming, mixage et mastering), qui à eux deux réalisent ici un travail titanesque d’une grande propreté et d’une maîtrise ahurissante. La production est excellente, et la richesse des arrangements laisse à croire que c’est un groupe tout entier qui joue tant les couches et les subtilités se multiplient de la première à la dernière seconde d’écoute.

En présentant leur musique comme du metal progressif cinématique, les deux protagonistes d'Etrange ne se sont pas trompés. La multiplicité des paysages qui se côtoient et se complètent nous transportent à bord d'une étrange sonde spatiale. Dès lors, "Enigme" se positionne parmi les candidats sérieux au titre d’album de metal progressif de l’année. Il est certes frustrant de ne pouvoir voir le merveilleux monde d’Etrange sur scène, mais l’on peut toujours rêver et espérer assister un jour à l’une des représentations scéniques de ce projet qui, au vu de ses trépidantes pérégrinations, nous promet encore de nombreuses et belles découvertes à l’avenir.