Pour l'amateur de doom rock qui sent bon les champignons, Dust Mountain coche toutes les (bonnes) cases. Le collectif est finlandais, est signé chez Svart Records et a foulé la scène du Roadburn Festival, La Mecque du gros son velu mais aussi des musiques progressives d'un autre temps. Qu'il soit formé par des explorateurs jamais rassasiés tels que la fratrie Toni et Henna Hietamäki dont l'énoncé des groupes auxquels ils sont associés, de Oranssi Pazuzu et Waste Of Space Orchestra (pour lui) et Cats Of Transnistria ou Henna & Houreet (pour elle) suffit déjà à évoquer tout un univers à la fois sonore et sensitif, ajoute encore de la valeur ajoutée au projet. Le duo en constitue l'âme autant que le cœur, auquel se greffent le batteur Jukka Rämämen (Hexvessel, Dark Buddha Rising), le bassiste Riku Pirttinienmi (Death Hawks) et la guitariste Pauliina Lindell (Vuono) dont le pedigree laisse tout aussi rêveur.
Tout ce petit monde s'est rassemblé pour une espèce de cérémonie païenne et bucolique que nimbe un occultisme forestier. Les talents en présence commandent à la fois une forme irréprochable et un fond antédiluvien sombrement folklorique, non pas inspiré par la tradition boisée finlandaise mais par le rock psychédélique des années 60, américain (Jefferson Airplane) ou anglais (Pentangle, Fairport Convention), souvent teinté d'une touche féminine et parfois franchement obscur (Coven And Linda Perhacs).
Mais s'il promet bien sûr un saut dans le temps, "Hymns For Wilderness" nous convie avant tout à un rituel étrange aux allures de sarabande connectée à la nature sillonnant à travers une sente nichée dans les profondeurs d'une forêt aussi mystérieuse qu'enchanteresse. Les mélopées de Henna Hietamäki associées à des notes de flûte et de harpe inoculent cette ambiance de procession mystique ('Harvest Maiden') qui n'est pas sans rappeler la survivance de cultes païens qu'illustrait un film comme "The Wicker Man" de Robin Hardy (1973).
Musicalement, l'offrande baigne dans un climat idoine, dont la beauté envoûtante ne grève jamais une noirceur inquiétante et souterraine. Les traits sont rarement appuyés, à l'exception de 'Apollo' au cuir quasi doom et aux lignes déglinguées, le tempo épouse une lenteur champêtre tout en baguenaudant sur un substrat duveteux que lèche une brume hantée. Et si certains titres accrochent des mélodies nourries d'un rock printanier ('Village On Fire', 'Bird Hymns'), l'ensemble ne déserte jamais vraiment une atmosphère énigmatique et ombreuse, théâtre d'incantations échappées du fond des âges.
Ténébreux et pastoral, "Hymns For Wilderness" invite à prendre part à un cortège folklorique aux confins d'un proto doom évolutif que guide la prêtresse d'un obscur culte païen.