POPA CHUBBY: Emotional Gangster (ROCK,Blues) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Popa Chubby est un forçat du blues. Le colosse du Bronx sort avec "Emotional Gangster" son 36ème album studio, un an après le très engagé mais peu engageant "Tinfoil Hat" qui renouait avec sa production effrénée après une période muette de quatre années. Popa Chubby a enregistré et produit cet album en solitaire, convoquant l'harmonica du fidèle Jason Ricci sur deux titres.

Les amateurs de Popa Chubby seront en terrain conquis. Les armes du blues sont dégainées dès les premiers mesures. La voix chaude du natif de New-York invite l'auditeur à le suivre dans ses pérégrinations sudistes. De nombreux soli de guitare old school font référence à un passé glorieux tout en y apportant parfois une griffe personnelle. Le piano barrelhouse ne se fait également pas prier pour nous replonger dans l'histoire ('Save The Best For The Last'). Toutefois le blues de Popa Chubby reste - dans le bon sens du terme - bâtard, en incorporant des éléments étrangers comme le funk sur 'Doing Ok' ou la ballade mélancolique imparable et poignante 'Fly Away'. Plus populaire en France que dans son pays d'origine, l'artiste se devait de rendre hommage à sa terre d'adoption. Mais si 'Why You Wanna Make War' se révèle caustique en français, il ne s'agit que de la reprise d'une précédente piste dans notre langue. Cette observation anodine se révèle pourtant essentielle.

En dépit de l'énergie déployée et la bonne dynamique, l'auditeur peine à être séduit. Passées la surprise et la chaleur des premières pistes, l'opus tourne en rond mais en outre Popa Chubby révèle son principal défaut déjà présent dans "Tinfoil Hat" : la paresse artistique. Sur la plus grande partie de l'album, le musicien semble naviguer en pilotage automatique, recyclant ses (quelques) bonnes idées mais sans leur offrir de nouvel élan. Ceci a pour effet de rendre ses compositions quelque peu rébarbatives, d'autant que celles-ci s'étendent au-delà du format des 3 minutes (sur scène, ses concerts peuvent durer jusqu'à trois heures). Les morceaux se construisent autour du même schéma thème principal/solo de guitare hasardeux et long/retour du thème principal, donnant la fâcheuse impression d'entendre le même morceau en boucle, sur lequel Popa Chubby aurait improvisé quelques variations. Pour finir, les deux reprises 'Dust My Broom' d’Elmore James et 'Hoochie Coochie Man' de Willie Dixon se révèlent purement anecdotiques et font office de remplissage.

Malgré toute sa sympathie et sa bonhomie, Popa Chubby reste ici un bluesman de deuxième division. Son énergie communicative et quelques touches bien placées ne lui permettent pas de gagner une promotion à l'étage supérieur dans lequel évoluent Stevie Ray Vaughan voire un Nick Cave, qui a compris ce qu'était véritablement le blues pour lui donner une orientation personnelle. Moralité : rien ne sert d'enregistrer des tonnes d'albums, mieux vaut savoir prendre une bonne orientation d'entrée de jeu et soigner ses compositions.

POPA CHUBBY

EMOTIONAL GANGSTER

DIXIEFROG RECORDS

ROCK