Huitième album sorti huit ans après le dernier en date, "Never Let Me Go" est singulier à plus d’un titre : pour la première fois, Placebo est un duo, Steve Forrest ayant quitté les fûts du groupe en 2015, année ayant entrainé une tournée best-of pour célébrer les deux décennies du premier opus et la commercialisation d’une compilation.
En quoi est-ce relié ? Brian Molko et Stefan Olsdal, les deux têtes pensantes du projet Placebo, se sont sentis enfermés et diminués à être obligés de jouer d’anciens morceaux alors que le temps continue inexorablement de filer tête baissée. Afin de reprendre goût à la musique et de sortir de la torpeur passéiste, des consignes simples ont été appliquées : tout faire à l’envers. Ainsi, la pochette, le nom de l’album et les titres ont été trouvés en premier, générant en retour des chansons et une étincelle créatrice qui ne demandait qu’à ressortir de sous la poussière.
Placebo explore ici la liberté forcée liée à l’absence d’un batteur fixe en surfant sur des vagues électro, démarrant sur les chapeaux de roues avec ‘Forever Chemicals’ pour terminer sur la critique acerbe et froide de ‘Fix Yourself’.
Depeche Mode, Trent Reznor ou encore David Bowie et Brian Eno semblent apparaître et disparaître le long de plages mêlant intimité et pudeur, grandiloquence et voyeurisme. Le propos est ici très personnel, toujours sombre, alternant diatribe paranoïaque et expérimentale à la Archive ('Surrounded By Spies'), brûlot simpliste et revendicatif contre le mensonge des apparences ('Hugz'), la douceur mélancolique liée à la perte d’un être cher ('Happy Birthday In The Sky'), la déception dans toute sa splendeur narcissique ('This Is What You Wanted'), la fuite orchestrale ('The Prodigal') et bien sûr la fin du monde tel que les humains le connaissent, mais sous la forme d’une pop-song imparable ('Try Better Next Time').
Car sombre ne veut pas dire dénué d’humour, aussi sarcastique soit-il.
Le cynisme reste le meilleur placebo lorsque la pilule de la réalité est dure à avaler.