En regardant la pochette de "L'Odyssée de l'Espoir", on s'attend à tomber sur le nouvel album d'un énième groupe hommage à Pink Floyd. En effet, la cover s'inspire grandement du travail d'Hypgnosis jusqu'à s'y méprendre. Et bien si cet album a la couleur du rock progressif, un nom qui sonne comme du rock progressif... ce n'est pas du rock progressif ! On baigne ici dans du metalcore et fusion pur et dur ! Comme quoi la cover ne fait pas le genre.
Avec son 'Prologue' plutôt dépouillé, Affect n'est pas si éloigné d'un concept album, qu'affectionnent les progueux, dans lequel le groupe laisse grandir l'expression de l'urgence de changer la société et le monde pour arriver à un meilleur avenir. Il vient donc ouvrir l'album en s’enchaînant avec le titre éponyme qui assoit à force de screams et hurlements la part hardcore du groupe. Les hurlements fouettent une ligne instrumentale plutôt mélodique tirée du metal et formée de riffs et de breaks implacables ainsi qu'une rythmique tachycardique.
Loin de se contenter de se réfugier dans cette niche metalcore, Affect voit plus loin que cet horizon extrême en lorgnant vers une fusion rapcore dans laquelle Simon fait preuve d'une belle adaptation. Son flow rapide pioche son phrasé dans le hip hop et rappelle ainsi les Beastie Boys ('Légitime'). Les thèmes évoquent bien entendu les tensions sociétales qu'on a connues mais aussi celle d'une jeunesse désœuvrée. Le groupe emprunte aussi la manière d'écrire du rap avec des paroles pleines de sens et loin des clichés du genre que certains médias peuvent véhiculer. L’œuvre est ainsi très littéraire et le chant en français est là pour faire passer des messages, qu'ils soient directs comme un pavé dans la face ou plus poétiques.
Les titres sont courts, dépassant rarement les 3 minutes, comme pour témoigner d'une forme de tension, mais offrent suffisamment de contrastes pour densifier le propos musical. En guise de clin d’œil à l'illusion progressive de la cover, le groupe termine son album avec un morceau divisé en deux parties ('Merci') qui est là comme pour remercier tout ceux qui les suivent depuis les débuts du groupe. La deuxième partie est presque composée uniquement de conversations et d'extraits d'interviews, de samples de reportages de journaux traitants des manifestations, de témoignages de gens pendant la pandémie... comme un bilan musical fort bien monté de ces deux dernières années.
Voilà un groupe intéressant qui ne se restreint pas à obéir aux codes du genre mais qui est là pour les casser, les utiliser pour avoir du sens, pour éveiller les consciences et témoigner de son époque. "L'Odyssée de l'Espoir" mêle le rap, le metal et le hardcore de fort belle manière et transpire par tous les pores le talent d'une jeunesse qui ne demande qu'à en avoir, et qui va se battre pour le faire vivre.