Depuis quelques années, une tendance se dessine, celle du duo. Une guitare (ou une basse), une batterie et un chant parfois partagé entre les deux acolytes. C'est l'essentiel. Que faut-il d'autre de toute façon pour vidanger un bon gros Rock avec un grand R ? Nous connaissions déjà les Allemands de The Picturebooks et, plus discrets, les Français de Electric Jaguar Baby. Knuckle Head complète cette brochette.
Les deux lascars comptent eux aussi parmi nos compatriotes, mais cela ne s'entend pas vraiment. La forme comme le fond renvoient plus à l'Amérique des grands espaces, chaude et caillouteuse, plutôt qu'à l'Alsace, froide et humide. Le look de bikers, sombre mais décontracté construit la première tandis que ce rock bluesy et sudiste crépusculaire matérialise le second. Ils sont donc deux, Jack Escobar qui gratouille et rugit, Jock Alva qui cogne sur ses fûts. Nombreux sont certainement ceux qui les découvriront avec "Holsters And Rituals" qu'ont toutefois précédé deux premiers essais, "First Ride" (2016) puis "II" trois ans plus tard.
Les fidèles du tandem et les chanceux qui ont pu constater l'énergie digne d'une dynamo vivante dont ce dernier est capable sur scène, savent déjà à quoi s'attendre : les compères nous embarquent pour une équipée sauvage à travers l'Ouest américain. Le périple est (trop) court, moins de quarante de minutes mais tous les titres ont des allures d'hymne instantané, trahissant un véritable travail d'orfèvre aussi bien en termes d'écriture, d'arrangement que d'ambiances.
Alors qu'il pourrait sembler paradoxal sinon contre-nature eu égard à la spontanéité revendiquée par le duo, ce souci du détail ne bâillonne au contraire jamais la ténébreuse vitalité de ce stoner rock aussi hypnotique que remuant. Knuckle Head décrit son style comme de la dark country. A raison car les traits lourds, presque rampants de 'The Right Way' s'accouplent aux lignes sensuelles du chaloupé 'Ritual' cependant que 'Brand New Life' ou 'The Sword' sucent l'encre noire d'un rock sudiste déglingué aux relents obscurs de Blüe Öyster Cult. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'ancien batteur du dinosaure américain, Albert Bouchard, s'invite au chant sur un 'Existencial Anger' tribal.
Plus encore que ses aînés qu'il domine de la tête et des épaules, "Holsters And Rituals" cultive les nuances et appuie sur une noirceur rugueuse comme l'illustrent chacun à leur manière un 'Burn' vicieux, la peau lourdement tannée et 'Living Deep/Into The Night' dont les presque sept minutes commencent comme une chaude ballade avant de s'enliser dans les Bayous poisseux d'un redneck movie, lors d'une seconde partie curieusement tapissée d'effluves brumeuses et gothiques.
Lourd et sauvage, énergique et sexy, "Holsters And Rituals" est le fourreau d'un stoner rock reptilien planté dans une country crépusculaire, imposant Knuckle Head parmi les révélations de l'année.