Alors que notre monde est plongé dans une période très incertaine (pandémie et retour de la guerre froide), il était inévitable que Jaz Coleman et sa horde reviennent sur le devant de la scène. Sept ans après la sortie de "Pylon", le retour de ce groupe mythique, qui a eu une influence considérable sur le rock et le metal, est à saluer. La stabilité est également de mise puisque l'on retrouve le même line-up depuis "Absolute Dissent" alors que les précédentes années d'activité avaient été marquées par des brouilles et autres coups de tête soudains.
Pour ses retrouvailles en studio, Killing Joke a préféré miser sur un format court, peut-être afin de tâter le terrain avant de reprendre ses activités. D'une durée de 21 minutes, ce "Lord Of Chaos" sent le soufre comme son titre l'indique. Cet EP semble se diviser en deux faces : les morceaux originaux et les remixes. Les deux premiers morceaux nous placent en terrain connu, un son post punk saupoudré de metal indus. La grosse guitare saturée de Geordie Walker, la basse rouillée de Youth et le jeu de frappe millimétrée de Big Paul servent d'envol aux fameux growls gelés de Jaz Coleman. L'opener 'Lord Of Chaos' rappelle sans ironie aucune 'I Am The Virus' de "Pylon". 'Total' est quant à lui plus insaisissable, les claviers apportant une dimension froide et désenchantée sur laquelle la guitare de Geordie et la batterie de Big Paul s'en donnent à cœur joie pour dynamiter l'ensemble. Le chant de Jaz Coleman y est des plus majestueux, dans une tonalité qui lui est propre.
La deuxième face de cet EP met l'accent sur l'expérimentation. Youth nous propose des remixes de deux morceaux du précédent opus "Pylon". 'Big Buzz' subit un lifting trance sur lequel la voix de Jaz Coleman semble nous parvenir des profondeurs de l'océan. L'étrange instrumental 'In Dub - Youth Disco 45 Dystopian Club' est le laboratoire sonore d'un sorcier curieux et prêt à toutes les expériences alchimiques et s'avère une véritable réussite. Les amateurs d'un Killing Joke plus pur risquent d’être un peu décontenancés mais Killing Joke se révèle au meilleur de sa forme créatrice.
Jaz Coleman est l'un des personnages les plus attachants du monde du rock, gentiment luné mais souvent pertinent lorsqu'il s'agit de faire l'état des lieux de notre monde. Le retour de son groupe à une époque traversée par de grandes angoisses n'en est que plus salutaire. Devant le potentiel entrevu, on peut regretter que cette production se résume à un EP ne comportant que deux nouvelles créations. Il faudra s'armer de patience en attendant le véritable nouvel album que Killing Joke se doit de nous offrir.