"At The Gates Of Hell" marque les débuts discographiques de Bullet Ride. Pourtant jamais son écoute ne trahit une quelconque approximation ni cette hésitation propre aux premiers pas. A cela, plusieurs raisons. D'une part, le groupe n'est pas animé par une poignée de puceaux désireux de faire du bruit au fond d'un garage. Au contraire, ces musiciens promènent depuis longtemps leur guêtres au sein de la scène metal hexagonale, même si les formations auxquelles ils ont participé n'ont généralement pas dépassé le stade de la démo ou de l’EP, à l'exception de Manu, ancienne chanteuse de Methadol, et surtout du cogneur Thibaut qui a notamment gravé deux méfaits avec les blackeux de Otargos.
D'autre part, les Français ont pendant des années écumé les scènes, revisitant tout d'abord des classiques issus du catalogue heavy et thrash, puis peaufinant leur propre répertoire. Cette solide expérience leur commande ce galop d'essai dont on devine qu'il a été longuement rodé avant d'atterrir sur nos platines. Son mixage confié à Pierre-Emmanuel Pelisson (Molly Hatchett, Phil Campbell) lui assure en outre un enrobage sonore très professionnel et lui évite par conséquent de patiner dans l'amateurisme, écueil auquel n'échappent pas toujours les groupes de notre terroir.
A la lecture de ces quelques lignes, un détail intrigue forcément : la présence d'une chanteuse qui suscite autant l'intérêt que la curiosité. Aussi à l'aise dans les envolées heavy que dans les growls testiculeux à la Angela Gossow ('Somewhere Else'), Manu établit la musique du groupe dans le registre thrash assombri de death metal tandis que sa manière très française de hurler des paroles en anglais, loin de grever l'ensemble, lui confère finalement un charme étonnant ('All At Sea').
Des vocalises écartelées entre lumière et ténèbres et l'apport d'un batteur au pedigree extrême suffisent ainsi à indiquer la teneur de ce "At The Gates Of Hell" puissant comme un Panzer moissonnant les cadavres. Rythmique implacable façon rouleau-compresseur ('Dead And Back'), guitares hostiles ('What Comes After'), ambiances inquiétantes ('Weather The Storm'), le tout perforé par les assauts d'une chanteuse que n'effraient pas les abysses, ce premier album bétonne un heavy thrash d'une efficacité meurtrière.
Le sens de la mélodie mordante ('World On Fire') couplée à une technique affûtée ('Naked Greed) ajoutent encore à l'efficacité de cartouches redoutables promises à un impact certain sur scène où elles briseront assurément les cervicales d'un public venu épancher sa soif d'un metal traditionnel et hargneux que des atmosphères sombres et menaçantes emprisonnent toutefois dans une modernité apocalyptique.
Petite bombe de heavy thrash encrassée de miasmes death metal, "At The Gates Of Hell" déflore avec une habileté saignante le potentiel d'un Bullet Ride qui ne devrait pas en rester là !