Quasiment trois décennies après sa formation, le sextet germanique au line-up inaltérable continue de creuser son propre sillon à grands renforts de martellements industriels, d’envolées théâtrales électriques et de déclamations gutturales, se permettant de sortir un nouvel album inattendu en forme de possible épitaphe : "Zeit".
Si Rammstein n’a jamais fait dans la dentelle, ou alors faite de plomb rouillé, force est de constater que dépasser le cap du quart de siècle a contribué à rendre les musiciens plus subtils. Mais subtilité ne signifie pas toujours sagesse : si le morceau-titre questionne le temps qui passe, entre piano sensible et supplique sincère, 'Zick Zack' fait la même chose mais cette fois en raillant la liposuccion et les ravages de la chirurgie esthétique.
Chaque chose en son temps, chaque temps a sa chose.
Pour la pesanteur poisseuse de 'Schwarz' ('Noir') et 'Angst' ('Peur'), il y a les "gros seins" grivois de 'Dicke Titten', là où 'Giftig' ('Toxique') harangue et charme en prévision de la prochaine tournée des stades, 'Lügen' ('Mentir') se permet l’affront de rendre le vocoder acceptable, l’enfonçant profondément dans la gorge de Kanye West et autres Gims pour donner de nouvelles inflexions aux cordes vocales de Till Landeman.
Né de la frustration de devoir tout arrêter, l’album se nourrit des confinements et autres dérèglements mondiaux liés à la pandémie Covid 19. Issues d’une tournée mondiale avortée et de poèmes piochés dans les recueils de Till, les chansons déploient de nouvelles expérimentations, de l’emploi d’une chorale angélique ('OK') à l'embauche de Bryan Adams pour prendre les photos de la pochette et du groupe.
Un pas de plus en moins pour le groupe, et si 'Adieu' doit s’avérer être un épilogue prophétique, le livre pourra se refermer sans honte grâce à ces onze nouveaux chapitres qui se rajoutent aux Commandements germano-shocks et confirment la règle des trois :
Le temps passe.
La mort se rapproche.
Rammstein est immuable.