Un groupe qui choisit de se baptiser Mudweiser ne peut pas vraiment être mauvais. Mais cela, nous le savons depuis longtemps car les Français sont tout sauf des puceaux du son velu, écumant la scène stoner depuis plus de quinze ans. Deux EPs et trois rondelles les ont vu façonner un rock bourru qui sent autant sous les bras que le whisky de contrebande. Un peu fainéants, les gaillards ne sont jamais très pressés pour cracher leur semence, laissant en moyenne filer quatre (trop) longues années entre chaque album.
Mais nous ne leur tenons jamais rigueur car l'orgasme pointe à chaque fois le bout de son dard. Graisseux, énervé et remuant. Mudweiser n'est pas le genre de groupe que vous prendrez en flagrant délit d'évolution, fidèle à un stoner simple et brut de décoffrage dans la chaude et huileuse tradition américaine. Et ce n'est pas "The Call" qui fera mentir la solide réputation de nos bûcherons Montpelliérains. Au programme, huit cartouches serrées dans un ensemble trapu de moins de quarante minutes au garrot. Sans fioriture donc mais non sans (beaucoup) de gras dedans.
A nouveau, le quatuor ne se départit pas de son énergie à la fois mazoutée et hargneuse, proposant du stoner une définition rude et sèche loin des vans à fleurs et des pipes à eau. C'est du méchant, du nerveux, le poil sombre et l'haleine chargée. Habilement, "The Call" alterne les saillies teigneuses et les coups de boutoir pesants et vicieux. Les furieux 'Reckless Dream', 'Invitation' ou 'High Again' incarnent les premières, 'Daughters' ou 'Sister Mary', les seconds, mid-tempos rampants et poisseux qui s'enfoncent dans une terre rocailleuse.
Certes direct comme à sa bonne habitude, Mudweiser n'en privilégie pas moins cette fois-ci les lourds déhanchés qu'enrobent des ambiances d'une noire amertume, ce dont témoignent un 'Blasted Forever' véloce mais rongé par la colère ou un 'The Hunt' qui racle le sol, secoué par une basse sismique. Et que dire du terminal 'Sad Man', malsain à souhait, étouffant et irrigué par une mélancolie grumeleuse.
Bref, s'il donne toujours envie de taper frénétiquement du pied, Mudweiser serre plus que de coutume le frein à main, ce dont nul ne se plaindra, faisant de "The Call" une galette de stoner sombre et burné, teigneuse et viciée.