"Evil Becomes Rule" est déjà le vingtième album de Christian Death, groupe de art punk gothique créé à la toute fin des années 70. Le projet a connu de nombreuses mues, et le nombre des musiciens qui y ont participé reste impressionnant. De cette période, le groupe a conservé l'aspect underground sans concession qui s'est de plus en plus dilué dans le rock mainstream (par définition).
Avec un son totalement dépouillé, ce nouvel album semble être la résurgence de cette époque, libéré des carcans imposés par l'industrie musicale contemporaine, faits souvent d'artifices. Tout en gardant son essence, "Evil Becomes Rule" ne se laisse pas embarquer dans un jusqu’au-boutisme stylistique, en apposant à son art punk des moments mélodiques intéressants. On peut citer en particulier le final de 'Abraxas We Are' et son solo de guitare provenant d'outre-tombe. Le groupe propose un disque également immersif avec l'utilisation de bruitages qui permettent de distiller des ambiances intrigantes accentuées par un chant alternatif (entre Valor et Maitri). 'Beautilful' en est le parfait exemple avec une construction progressive qui débouche sur une deuxième partie plus classique à la mélodie efficace, mais aussi le morceau éponyme qui pourrait illustrer un film d'horreur à la John Carpenter.
Conformément au genre, il règne sur l'album une atmosphère inquiétante mais l'espoir n'est parfois jamais loin, comme s’il constituait un pont entre l'enfer et le paradis ('Rise And Shine', à la fois oppressant et libérateur). Mais ce constat reste toutefois relatif tant la noirceur transpire de ce nouvel album. Finalement, on se pourrait résumer le tout à la rencontre d'Alice Cooper et The Cure. Le chant fait parfois penser également à David Bowie dans le phrasé ('The Alpha And The Omega', 'Who I Am').
Avec ce disque, Christian Death propose quelques nouveautés : chant plus agressif, plus habité, moments mélodiques et immersifs. Les précurseurs du rock gothique en ont encore sous le pied et le démontrent dans ce convaincant "Evil Becomes Rule".