"Wherever The Road Takes Me" résume 13 albums et 30 ans de fidélité au label Dixiefrog. Autant dire que le choix des morceaux a dû être un sacré casse-tête. Car même si Neal Black n’a pas la renommée internationale de ses mentors, en particulier le grand Stevie Ray Vaughan, il arpente les scènes internationales depuis un sacré bout de temps, le blues chevillé au corps et la guitare en bandoulière. Pour ceux qui ne connaissent pas le Texan installé en France depuis près de 20 ans, ce best of est la porte d’entrée idéale pour se familiariser avec son univers. Pour les autres, il est l’occasion de retrouver tout ce qui fait la force et l’originalité du bluesman à la smoky voice si caractéristique.
En 18 titres studio et 8 titres live, "Wherever The Road Takes Me" démontre tout l’éclectisme de celui pour qui le blues est d’abord une affaire de songwriting avant d’être une démonstration de technique guitaristique. Pourtant de ce côté-là, Neal Black a pas mal de leçons à donner en matière de feeling blues. C’est d’ailleurs ce qui frappe le plus à l’écoute de la partie live de l’album. Dépouillés des interventions des cuivres, les morceaux deviennent de vrais brûlots blues rock (‘Goodbye Baby’, ‘Handful Of Rain’) et boogie rock (‘Did You Ever’, ‘Lost Without You’) grâce au jeu de guitare flamboyant de Neal Black et au groove impressionnant de la section rythmique de The Healers (‘Chicken Shack Cognac’). A ce titre, la magnifique reprise du ‘I Can See Clearly Now’ de Johnny Nash suffit à prouver tout le talent de la formation sur scène.
Mais ce sont les titres en studio qui témoignent véritablement de la manière dont Neal Black a su tout au long de sa carrière s’approprier tous les styles dérivés du blues et de comment il a orienté sa manière de composer pour coller à chacun d’entre eux. Du blues le plus roots joué au dobro (‘Worried About It’) au rock and roll pur et dur (‘Did You Ever’), du blues rock (‘Handful Of Rain’, ‘I’m Gonna Cry’) au Chicago blues (‘Lost Without You’), Neal Black confirme en 18 titres que le blues est bien plus que ce à quoi il est souvent réduit : des boucles de 12 mesures sur une rythmique ternaire.
En effet, le style de Neal Black & The Healers se nourrit de bien d’autres genres musicaux comme par exemple la musique mexicaine (‘Bad Rose Tatoo’, ‘Hotel Room In Mexico’) et la musique country (‘The King Of San Antone’) et ne se cantonne pas à la guitare pour exprimer ce qu’est le blues. Les morceaux où domine le piano (‘Cry Today’, ‘Justified Suspicion’) sont d’ailleurs parmi les plus beaux de ce best of.
"Wherever The Road Takes Me" démontre à quel point Neal Black domine son sujet malgré sa discrétion et son humilité légendaires. Les nombreux invités présents sur l’album, notamment Fred Chapellier, Popa Chubby et surtout l’immense Robben Ford, auteur d’un solo digne de sa grande classe sur ‘All For Business’, finiront de vous convaincre de jeter une oreille attentive à ce beau résumé de la carrière de ce grand Monsieur du blues.