Bien que son premier album soit publié par le label français Battlesk'rs Productions, Faruln n'est pas né dans l'Hexagone mais en Suède. Bien sûr, cette information pourrait n'être qu'un détail mais la géographie dit souvent beaucoup d'un projet et de la teneur de sa musique. Et dans le black metal plus que dans n'importe quel autre genre (avec le doom toutefois), la localisation impose un déterminisme expliquant en partie pourquoi un groupe de telle contrée ne sonnera jamais tout à fait comme un autre originaire d'un pays différent. Tout ça pour dire que Faruln n'est pas suédois pour rien. Cela s'entend, dans ces riffs froids et dissonnants, vicieux et pollués. Cette soif de mid tempos rampants, sournois, qui se faufilent dans les boyaux intimes de macabres ténèbres participe aussi de cet ancrage sinistre tant géographique que spirituel dans une terre consacrée par un metal noir radical et fiévreux.
Après plusieurs brouillons griffonnés entre 2015 et 2019 (deux démos et un EP), cette entité solitaire accouche donc enfin d'une première offrande longue durée. Autarcique, la bestiole cache en son sein le seul BTSM qui se charge de tous les instruments mais connu sous le nom de Andreas Båtsman comme guitariste live de Mortuus. Celui-ci est par ailleurs animé par deux anciens membres de Ondskapt, précision qui là encore fournit un indice précieux quant à la nature du black metal pratiqué par Faruln, qui s'inscrit nettement dans l'orbite aussi tranchante que mortifère des Watain et autre Valkyrja. En moins malsain sans aucun doute. En plus reptilien surtout.
Avec ses quarante petites minutes, "Anti Spirit" déballe un menu trapu mais bouillonnant dans son âtre d'une semence cendreuse. Malgré quelques effets et arrangements qui le poissent d'une atmosphère nocturne au bord de l'apocalypse ('Under Blackened Skies'), l'ensemble claque avec une épure granitique. Basse accordée plus que bas que terre et guitares aux allures de scalpel rouillé labourant les chairs tuméfiées dictent une expression à la fois incisive et lancinante comme une douleur qui ne vous libère jamais de sa cruelle emprise.
Exceptionnellement étiré comparé aux autres pistes, 'Nethermost' lance l'écoute sous de prometteurs auspices, plainte pesante et insidieuse qui fouille la nuit à coups de riffs grésillants, écarte les lèvres impures d'une noirceur tapies dans les entrailles de l'âme. Quoique taillés dans le même bois d'églises calcinées, les titres suivants ne reproduisent pas tout à fait la même réussite mais n'en déversent pas moins un fiel sinistre qui s'accroche à la mémoire. Quelques accélérations implacables ('The Throes Of Rebirth') mordent heureusement un menu dont elles brisent la linéarité à laquelle aurait pu les condamner ce tempo tout du long coulé dans un plomb rocailleux.
Evidé dans ce black metal typiquement suédois d'une férocité morbide, "Anti Spirit" est le premier méfait que Faruln forge avec une prometteuse efficacité.