Thundermother n'est pas un groupe que vous surprendrez en flagrant délit de révolution. Déjà, le genre que tètent les tigresses, à savoir un bon vieux hard des familles, fun et remuant, ne se prête guère à l'audace. Et puis de toutes façons, ce n'est pas ce qu'on leur demande, à nos Suédoises préférées, qu'on souhaite voir mordre et rugir (surtout) ou ronronner (parfois mais c'est plus rare). Ce qui ne signifie pas que leur rock'n'roll biberonné aux mamelles AC/DCiennes n'évolue pas, comme en témoigne ce "Black And Gold" attendu à la manière d'un point G, celui que son prédécesseur approchait sans toutefois y accéder vraiment. Ce quatrième effort couronnera-t-il la carrière des Scandinaves ?
En vérité, la question ne revêt pas une grande importance car l'essentiel se niche ailleurs, lové entre les rondeurs séduisantes d'un hard rock qui brille autant par sa simplicité que par sa fraîcheur. Inchangée, la recette fait tout bonnement du bien. Ni longs discours ni vains préliminaires ne sont réclamés par une défloration immédiate et frétillante. Vraies dynamos vivantes, les belles abattent le petit bois, impriment une énergie aussi ravageuse que communicative et exhalent un charme chaleureux. Courtes, les chansons s'enfilent comme une bonne bière à l'amertume légère.
Si l'empreinte des Kangourous demeurent prégnantes ('Try With Love', ‘I Don't You Know'), l'influence du classic rock américain fait cette fois-ci plus qu'affleurer à la surface de certaines compositions, aux formes plus douces, aux chœurs fédérateurs comme mascara ('Raise You Hands', 'Looks No Hooks'). La tendresse d'un 'Hot Mess' ou l'émotion du terminal 'Borrowed Time' participent de cette filiation avec le hard US qui accouple puissance et délicatesse.
Quand bien même cette voie leur sied parfaitement, le fait est que les Suédoises ne se montrent jamais aussi aguichantes que lorsqu'elles font parler la poudre plus que les sentiments. Dans ce registre survitaminé, les vocalises rugissantes de Guernica Mancina prennent toute leur force, toute leur démesure tandis que Filippa Nässil mouline et bétonne des riffs qui donnent envie de taper du pied, croisement entre Angus Young et Ruyter Suys (Nashville Pussy). Logiquement, les saillies les plus turbulentes sont donc aussi les plus jouissives, témoins ce 'Wasted' à la rythmique appuyée, un 'Stratophere', chaloupé et vicieux avec sa guitare trempée dans les bayous et plus encore l'énorme 'Loud And Free', point d'orgue de l'écoute, l'intro piquée au 'Thunderstruck' d'AC/DC, le chant teigneux et haut perché, la six-cordes en mode bûcheron.
Thundermother n'atteindra sans doute jamais l'étage du dessus mais cela suffit pourtant à notre bonheur, instantané et salvateur. Bonbon chaud et sucré, "Black And Gold" fournit une bonne dose de grand rock'n'roll sautillant et séducteur taillé pour avaler les kilomètres.