Amis du easy listening, friands d'écoutes confortables et reposantes, Imperial Triumphant n'est pas fait pour vous ! Mais pour qui ce groupe américain l'est-il d'ailleurs ? A qui les dissonances bizarres qu'il aime pétrir s'adressent-elles de toutes façons ? Aux amateurs de black metal ? Pas sûr que ceux-ci se retrouvent tous dans ce pandémonium déglingué, à l'exception peut-être des masochistes goûtant les expériences sonores les plus perverties et torturées.
Mais ce n'est pas certain car il faut être doté d'une sévère dose d'ouverture d'esprit sinon de courage pour affronter les cauchemars commis par le trio new-yorkais dont prétendre qu'il ne consent à aucune facilité mélodique, ne cède à aucun compromis commercial, pour séduire son auditoire tient du doux euphémisme. Chaotique et suffocant, tendu et pénible se veut son art que quatre albums n'ont toujours pas permis de dompter. Et ce n'est pas "Spirit Of Ecstasy" qui devrait changer la donne ! Que des invités aussi divers et improbables que le jazzman Kenny G, le guitariste de Testament Alex Skolnick, la chanteuse de Bloody Panda Yoshiko Ohara ou bien encore le copain de Mike Patton, Trey Spruance (Mr. Bungle) aient été conviés à ces ébats azimutés, loin de rassurer, participe au contraire du caractère démentiel de l'entreprise.
Labyrinthe halluciné, il n'y a en vérité rien à comprendre de ce cinquième voyage aux confins de la folie. Ces Américains ne vont toujours pas bien, échafaudant une espèce de cathédrale sonore où s'accouplent saxophone disloqué, trompette maladive, percussions ferrugineuses, chœurs cacophoniques et guitares désarticulées en un brouet aliéné souvent incompréhensible. De ce déluge ininterrompu de notes, il paraît difficile sinon même impossible de retenir quoique que ce soit.
Par moments, au détour d'une de ces compositions aux allures de dédales viciés, de fugaces lignes jazzy un peu plus accessibles que les autres s'échappent ('In The Pleasure Of Their Company'), des atmosphères timidement envoûtantes ('Chump Change') se fraient un fragile chemin. Trop peu toutefois pour espérer servir de balises, de bouées au malheureux égaré dans ce maelström ou plutôt ce capharnaüm qui en somme noue plus de lien avec la musique contemporaine voire le progressif le plus déjanté, avide de déconstruction et de laideur qu'avec le black ou le death metal.
Dans son genre, aussi aventureux que convulsif, "Spirit Of Ecstasy" est très certainement une réussite mais pardonnez-nous de ne pas avoir su fendre les remparts hermétiques qui le murent dans sa folie la plus radicale. En ce sens, il s'agit bel et bien de metal extrême...