Chronologiquement, “I can See your house from here” se situe après le départ de Peter Bardens et marque l’arrivée de Colin Bass. Dans l’œuvre de Camel, on est donc au début d’une période intermédiaire entre la créativité débridée des débuts et la maturité symphonique ébauchée dans “Nude” et s’établissant plus sûrement dans “Dust and Dreams et “Harbour of Tears”. Période pendant laquelle Andy Latimer va hésiter entre une voie commerciale et un projet plus musical, ce qui se ressent nettement dans cet album.
Globalement, “ ... Your House ...” est le disque le plus rythmé du groupe, et pas mal de thèmes vocaux bien convenus pour un groupe de cette dimension apparaissent heureusement rattrapés par des instrumentaux plus originaux: le duo de claviers dans 'Wait', l’intermède guitare dans 'Hymn to her' en sont des exemples.
Certains titres restent assez ancrés dans le passé: 'Who we are' reste scotché à la période “Moonmadness”, 'Your Love is Stranger than Mine' et 'Neon Magic' fleurent le disco mal assumé. 'Survival' est un court intermède genre musique de film mélo, assez incongru au milieu de l’album.
D’autres veulent sonner plus moderne: 'Remote Romance', sorte d’essai électro, est peut-être le pire titre de Camel, à oublier par immersion profonde ou mise en orbite plutonienne.
Heureusement, deux titres vont nettement émerger de tout ce désordre : 'Eye of the Storm', instrumental composé par Jan Schelhaas, petite perle dans la disco de Camel, et dont l’ambiance rappelle celle de "Nude". Et surtout, surtout, le monstrueux, énorme, génialement lent, planant et démesuré 'Ice', tout en fin d’album : une intro toute en douceur amenant sur un thème subtil aux claviers, puis, enfin, planant au-dessus de tout, LA guitare de Latimer, sublime : dix minutes de pur plaisir ! Rien que pour ce morceau, il faut avoir écouté “... Your House ...” !