Il y a deux ans, "Puritan Masochism" nous avait agréablement surpris. Et doublement. D'une part grâce à son line-up 100% féminin, format qui n'est pas si fréquent, a fortiori dans le death metal. Repéré par Napalm Records qui n'est jamais en retard d'une mode, le groupe aurait pu n'être qu'un produit mercantile et aguicheur au sein d'une scène metal toujours testiculeuse sinon un poil machiste. Mais il n'en est rien et loin de se réduire à de sémillantes frimousses, les Danoises de Konvent sont à prendre au sérieux, n'ayant pas à rougir de la comparaison avec leurs collègues miniers masculins. Ce qui nous conduit à la seconde raison.
Tertre d'un death doom sévère dont prétendre qu'il est caverneux tient du doux euphémisme, ce premier album plongeait dans les abysses d'un gisement de charbon sans aucun espoir de retour avec une insolente habileté et la noirceur idoine. Bref, derrière leurs jolis minois, les Konvent ne rigolent pas vraiment et n'ont clairement de leçon à recevoir d'aucun bonhomme en matière de forage cyclopéen. Et ceux qui pensaient peut-être qu'elles ne transformeraient pas l'essai en seront pour leurs frais.
Non seulement, "Call Down The Sun" est encore meilleur, encore plus orgasmique mais il sonne surtout encore plus doom, ceci expliquant sans doute cela, chemin de croix aussi pétrifié que mortifère qui maraude dans les replis d'un black charbonneux. C'est bien simple, jamais les jeunes femmes n'enclenchent la seconde, ne laissent filtrer le moindre rai de lumière, excavatrices qui sondent de sinistres boyaux, fouillant les replis intimes jusqu'à l'os. Suçant les mamelles des maîtres hollandais (Asphyx, Bunkur), elles s'abîment corps et âme dans un charnier cendreux dont elles remuent la masse funèbre avec un burin granitique.
Nous défions quiconque de deviner la nature féminine de ce chant spéléologique taillant dans le sol de suffocantes crevasses. Grondant d'une force venue des abîmes de la terre, Rikke Emilie List est capable de faire trembler les murs en et enchaîner les secousses sismiques ouvrant les vannes de sécrétions morbides.
Si "Puritant Masochism" brillait de timides lueurs mélodiques, son successeur avale quant à lui toute trace de vie et d'espoir, bloc monolithique dont la puissance hermétique fascine et n'est pas sans suinter une souterraine beauté qui s'écoule de ces parois minérales et austères. Tremblant sous les coups de boutoir d'une rythmique charbonneuse ('Sand Is King'), "Call Down The Sun" est englué dans une marée noire qu'irriguent des guitares au goût de cendres ('Grains'). Lourd et funéraire, 'Into The Distance' perfore la roche d'une obscurité grouillante. Morbides et presque hypnotiques dans leur immobilité granuleuse, les plaintes suivantes ont quelque chose de marches successives vers les entrailles de l'indicible dont le vertigineux 'Fatamorgana' incarne le point G rampant et ankylosé. Seul le terminal 'Harena' sacrifie un peu de cette noirceur insondable en consumant de pales mélodies.
Figées par un spleen inexorable, les Danoises ne vont pas vraiment mieux. Au contraire, elles sculptent dans une panse sépulcrale une cathédrale de douleur dont les arcs-boutants reptiliens vibrent d'une force sentencieuse. Ce faisant, Konvent accouche avec le bien nommé "Call Down The Sun" d'un robuste mausolée au fond duquel s'accouplent le death doom le plus autoritaire et le black le plus négatif.