En 2019, "Violet Hour" ne scellait pas uniquement le nouveau line-up d'Alunah, après le départ de sa chanteuse Sophie Day, suivi un an plus tard par son guitariste et mari David Day, mais amorçait une évolution vers une expression moins purement Doom, plus stoner, tout simplement plus (hard) rock. L'absence des membres fondateurs expliquait évidemment ce glissement, qui plus est rendu possible par la belle palette vocale de la nouvelle venue Siân Greenaway qui a su, par sa personnalité et sa plastique sexy, remplacer sa devancière au registre plus plus occulte. De fait, les Anglais ont tranquillement troqué l'obscurité d'une musique déambulant dans une ambiance parfois sombrement folklorique pour une accroche plus directe et moins ténébreusement forestière.
Sans surprise, "Strange Machine" reprend les choses là où les a laissées le cinquième album et enfonce même encore le clou. Autant l'annoncer de suite, du doom originel, il ne reste plus rien. Ou si peu : la poignée de riffs velus qui scotchent 'The Earth Spins' au sol. Les touches folk demeurent mais elles ont perdu leur arôme nocturne et mystérieux, évoquant à la place une espèce de pop bucolique et sixties plutôt inoffensive ('Psychedelic Expressway'). Et là où "Violet Hour" était sabré de fulgurances, son successeur semble bien sage sinon inodore. Certes 'Strange Machine' dispense un refrain qui hante durablement la mémoire, certes 'Dead Woman Walking' braconne sur les terres d'un Deep Purple qui aurait remplacé Ian Gillan par une chanteuse, 'Fade Into Fantasy' est nimbé de soyeuses effluves psychédéliques mais ces qualités ne suffisent pas à combler tout à fait le déficit de lourdeur et tout simplement l'absence de grandes compositions qui constituent cette sixième offrande.
Car la principale faiblesse de cette dernière réside moins dans sa teneur plus lumineuse que dans une écriture certes directe et soignée mais sans véritable morceau de bravoure, si ce n'est 'Teaching Carnal Sins', bluesy et seventies, théâtre d'une rugissante performance de Siân Greenaway. Plus que jamais clé de voûte de l'édifice, la belle offre tout du long une prestation du feu de Dieu, pleine de puissance et de nuances. Elle sauve à elle seule l'album de la banalité, même s’il convient de louer les griffures occasionnées par le nouveau guitariste Matt Noble.
Décevant en comparaison de ses devanciers, "Strange Machine" n'en demeure pas moins un disque sympathique et bien fait, qui confirme à la fois l'évolution d'Alunah vers une musique plus Stoner rock que Doom et surtout la richesse vocale de sa charismatique chanteuse.