Manchester Orchestra fait partie de ces groupes versatiles qui aiment évoluer avec leur temps et leurs humeurs. Passant rapidement d'un indie rock à leurs débuts à un post hardcore pour bifurquer vers un heavy rock avec "Cope", c'est à partir de "Hope" en 2014 (opus reprenant les chansons de "Cope" en mode acoustique) que le groupe s'essaye à un nouveau style qu'il va peaufiner sur plusieurs années. Manchester Orchestra va désormais contenir toute cette agressivité et cette fougue de jeunesse pour travailler sur les ambiances, les sons et le chant afin d'entraîner l'auditeur dans un monde éthéré et tourmenté.
Si "Hope" était un bon album et a certainement permis au groupe de s'ouvrir à de nouvelles sonorités, "A Black Mile To The Surface" est le premier album de Manchester Orchestra sous sa nouvelle étiquette présentant une réelle maturité et dégageant autant de force émotionnelle. ‘The Maze’ a la délicatesse de faire glisser lentement dans ce maelström de sentiments controversés avec son battement mécanique et ses claviers électro sur lesquels se posent des lignes de chant doublées puis triplées pour apporter un peu plus de grandiloquence à l'ensemble. S'ensuit le single de l'album, ‘The Gold’, un titre tout en dualité, enjoué et sombre à la fois dans ses mélodies et ses paroles avec un refrain mémorable. Certainement le sommet de l'album en ajoutant ‘The Moth’, morceau peut-être le plus schizophrène avec ses énormes chœurs auxquels ont été ajoutés des cris d'enfants ainsi que le très mélancolique et majestueux ‘The Silence’ qui clôt l'album sur une note dramatique.
On aurait pu aussi citer le dépouillé ‘The Alien’ et sa douceur ou encore ‘The Sunshine’ qui lui fait suite, avec ses jolies lignes de basse bien mises en avant, un petit moment de détente avant la saturation et les lamentations de ‘The Grocery’. Si l'on compte bien, cela fait quand même sept titres qui méritent largement le détour sachant que les autres compositions non citées se fondent parfaitement dans le décor.
"A Black Mile To The Surface" est un album à ressentir plus qu'à analyser. Plus enlevé que Sigur Ros mais plus sage que Silversun Pickups, il ne recèle aucune prouesse technique, pas de solo, mais un ensemble cohérent, ultra mélodieux et des petites trouvailles, parfois rythmiques, souvent vocales qui feront frémir ou à défaut étonneront. Celles-ci seront d'ailleurs plus nombreuses dans "The Million Masks Of God", l'album qui suivra. Mais ceci est une autre histoire...