Après avoir traîné ses Doc Martens pendant cinq ans sur les scènes US et européennes, Godhead a bien cru décrocher la timbale en signant en 2001 sur le tout-nouveau-tout-beau label de Marilyn Manson, Posthuman Records. Malgré un single en rotation sur MTV (la reprise inspirée du Elenaor Rigby des Scarabées) et une intensive tournée en première partie du groupe éponyme du patron, le soufflet retomba bien vite, et nos gothiques de Washington DC eurent l’infime honneur d’être le premier et dernier groupe du label mort-né de Manson.
Deux albums et un nouveau toit plus tard, Godhead revient avec la ferme intention de reprendre là où ils en sont resté, c'est-à-dire aux portes de la gloire. Dans ce cas, autant mettre toutes les chances de son coté, et faire appel au nouveau Jean-Jacques Goldman du Metal, Ben Moody, ex-guitariste du multi-platiné Evanescence, mais aussi compositeur pour nymphettes en mal de reconnaissance rock’n’roll (Avril Lavigne, Kelly Clarkson, Lindsey Lohan). Pour faire bonne mesure, il apparaît aussi dans la dernière vidéo du groupe, Push, qui se trouve être probablement le meilleur morceau de The Shadow Line.
Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’Evanescence soit la première filiation qui saute à la figure après la première écoute de l’album : ambiance gothico-metallo-industrielle, une voix posée et mélodique (qui ressemble étrangement à celle du leader d’Aston Villa, le groupe, pas le club de foot), des riffs de guitares nerveux, quelques boucles technoîdes par-ci par-là, et même des solos, une première depuis leurs débuts. C’est propre, on sent beaucoup de travail dans les arrangements, c’est bien net sur les bords, rien ne dépasse. En un mot, aseptisé.
A petite dose, les chansons s’écoutent facilement, peu de grosses fautes de goût à part les sempiternelles ballades à fortes teneurs en sucre (Inside Your World, Fall Down), mais l’affaire se gâte quand l’écoute est prolongée. Les faiblesses se font alors cruellement sentir, les textes dépassent péniblement le niveau de l’interêt poli, et l’axiome power chords + nappes de synthé + tempo lourd est bien trop souvent utilisé, laissant une impression de déjà entendu dès les trois premières chansons. Il y a du travail, et une envie sincère d’évolution musicale, mais aussi louable soit l’effort, il reste vain.
Godhead ne ralliera sûrement pas à sa cause la frange dure des neo-metalleux avec ce dernier opus. Mais le choix du producteur et la nouvelle direction artistique du groupe semblent les prédestiner à un public moins typé, plus volatile mais surtout plus large. Etonnamment, c’est tout le mal qu’on leur souhaite.