"Home Again" en 2012 a fait passer Michael Kiwanuka de l'ombre à la lumière. Non sans difficultés. Parce que Michael Kiwanuka est un éternel stressé et cette soudaine notoriété a été difficile à assumer. En manque de confiance depuis ses plus jeunes années, trop souvent à l'écoute des mauvaises langues le poussant à abandonner, il n'a pourtant pas flanché au moment de sortir ce "Love & Hate" catartique.
Et on ne peut que s'en réjouir tant cet album regorge de pépites musicales à la fois actuelles et hors du temps. Le premier titre 'Cold Little Heart' en fait évidemment partie, morceau que les amateurs de la série "Big Little Lies" sur HBO auront déjà entendu puisqu'il en est le générique. Ce n'est pas foncièrement une hérésie car cette chanson de 10 minutes a une intro lancinante s'étirant sur plus de 5 minutes avec un solo de guitare planant sur fond de cordes qui aurait bien pu apparaître sur un album d'Ennio Morriconne. C'est donc en son milieu qu'elle démarre réellement avec l'arrivée de la voix si profonde et chaleureuse de Michael Kiwanuka qui va nous exposer de manière très abstraite ses doutes et ses difficultés à surmonter l'adversité. On retrouve ici toutes les influences 70's de cet artiste assez détonnant, avec de nombreux sons organiques, des chœurs à l'ancienne omniprésents qui parfois se fondent dans les nappes de clavier, les arrangements tout en finesse sans pour autant que l'ensemble ne sonne daté.
'Black Man in a White World' qui suit se fait plus enlevée avec ses claquements de mains et ses ajouts d'instruments et de fioritures tirées de la soul et du funk au cours de son avancée. Contrairement à ce que le titre de la chanson pourrait faire penser, il n'est pas question ici de polémiquer. Michael Kiwanuka s'y fait juste factuel en disant qu'il fait simplement partie d'une minorité et que cette appartenance est parfois compliquée à faire comprendre à ceux qui n'en font pas partie. En outre, il a pendant longtemps eu un public presque exclusivement blanc à ses concerts.
Troisième réussite, et non des moindres, 'Love & Hate', le titre éponyme de l'album glissé en son milieu, basé sur des chœurs répétés à l'infini qui restent très longtemps dans les mémoires. On y apprécie les cordes qui remplissent le morceau d'ondes positives et comme d'habitude tous ces petits sons (cymbales, claviers) qui font la richesse de cette musique d'un autre temps.
On pourrait décortiquer chaque piste de cet album dont la richesse se dévoile avec les écoutes. Tout y est intéressant, des sonorités aux constructions, des introductions aux conclusions. Michael Kiwanuka se questionne, fait face à ses démons mais il ne s'apitoie pas, permettant à "Love & Hate" de ne pas étouffer mais au contraire d'irradier. On se doute qu'il n'a pas encore tout donné et qu'il sait qu'il lui reste beaucoup de chemin à parcourir. Rendez-vous en 2019 avec l'album "Kiwanuka" pour en reparler...