MAGMA: Kartëhl (ROCK PROGRESSIF) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Si les chats ont neuf vies, Magma vaut au moins dix chats. Une bonne centaine de musiciens a joué avec Christian Vander depuis la création du groupe, et les nombreux changements de line-up ont toujours amené quelque chose de différent, sans jamais dénaturer l’identité musicale de l’institution, menée aux baguettes par l’intemporel gardien du culte. C’est peut-être finalement ce qui impressionne le plus dans le parcours de ce groupe hors des normes et hors du temps : cette capacité à se renouveler sans cesse tout en restant exactement le même depuis plus de 50 ans. Et c’est encore une fois ce qui fascine avec ce "Kartëhl" post-pandémique, qui prolonge l’histoire de la musique zeuhl avec un effectif presque entièrement renouvelé.

Alors certes, avec les années, le Magma guerrier et martial s’est lentement mais sûrement assagi. Christian Vander ne tape plus aussi fort sur ses peaux et sur ses cymbales et Stella Vander, maintenant à la tête de plusieurs choristes, a subtilement féminisé le discours musical. Mais l’essentiel est toujours là. Et l’essentiel, c’est cette musique viscérale et instinctive, basée sur une section rythmique nerveuse et habitée dont la basse, tenue ici par Jimmy Top, le fils de Jannick, imprime la pulsation.

Alors que "Zëss" annonçait le néant et la mort du langage, "Kartëhl" en est quasiment l’exact contrepoint. C’est un album lumineux, presque joyeux. D’ailleurs les trois titres composés par Christian Vander sont ironiquement les plus optimistes et les plus originaux. ‘Hakëhn Deïs’ nous envoûte avec son groove addictif, tandis que ‘Irena Balladina’ nous émeut avec son mélange de jazz et de bossa nova, en rendant un bel hommage à la mère de Christian. Quant à ‘Dëhnde’, il en surprendra plus d’un avec ses influences gospel, sa guitare funky et son orientation pop-rock inédite.

Cet optimisme dans les compositions n’est pas la seule surprise de "Kartëhl". Car une fois n’est pas coutume, trois morceaux sur six sont signés des nouveaux arrivants au sein de la formation. Si ‘Do Rïn Ïliüs’, composé par le chanteur Hervé Aknin reste bien ancré dans le jazz, les titres des pianistes Thierry Eliez et Simon Goubert (‘Walömëhnd Ëm’, ‘Wïï Mëlëhn Tü’) sont, quant à eux, plus ouverts aux expérimentations. Mais, soyons honnêtes, aucun des trois n’a la portée des compositions du maître Vander.

Bien sûr, le temps passe et la musique de Magma évolue vers des ambiances plus apaisées. Mais le groupe l’assume pleinement, en nous offrant en bonus les versions démos enregistrées en 1978 de ‘Hakëhn Deïs’ et de ‘Dëhnde’, comme pour souligner à quel point le chemin vers la sagesse ne s’encombre d’aucun regret ni d’aucune nostalgie. Oui, les années passent, mais Magma demeure ce feu follet insaisissable que rien ni personne ne réussira à faire dévier de sa quête d’absolu. Et c’est très bien ainsi.

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