L'avantage d'être chroniqueur musical est de pouvoir voyager tout en restant sur place. C'est à Madagascar que l'album "Lohamboto" de Loharano nous permet de nous rendre. Le trio propose une musique metal fusion et world qui incorpore des rythmiques trans issu de la tradition malgache. Loharano s'inscrit dans le sillon creusé historiquement dans les années 90 par Martz, Black Wizzard... tout en perpétuant l'essence même du rock, la contestation et la colère.
En revenant aux origines du genre, à savoir être la voix du peuple (et de sa jeunesse) contre l'establishment et ses dérives, Loharano use de sa propre culture pour exprimer ce qui ne peut pas forcément l'être dans la vie de tous les jours. Et les sujets ne manquent pas, en premier lieu le désastre écologique de la déforestation incontrôlée de l'île devenue rouge, dénudée de ses ressources surexploitées. L'art et donc la musique possèdent par essence cet avantage de pouvoir mettre en avant des discours souvent inaudibles ou que certains souhaiteraient mettre en sourdine.
Le succès local du groupe ne se dément pas et envahit même l'international. En France particulièrement, où Loharano a enflammé les Transmusicales de Rennes. On est saisi par les rythmes malgaches, pas si éloignés de ceux du continent africain, qui apportent non seulement une fraîcheur et une sincérité au propos musical du groupe ('Lahy'). L'utilisation de la langue nationale contribue à une immersion totale portée par la voix hargneuse de Mahalia. Les compositions sont pour la plupart frontales, énergiques mais proposent parfois quelques breaks comme dans le morceau éponyme.
Le point d'orgue de cet album reste le magnifique titre 'Magina' qui se distingue des autres par sa construction. Ce titre qui évoque le viol et l'absence de reconnaissance du statut de victime prend aux tripes grâce à une musique plus tourmentée, entre rage et dépression. 'Koronta' termine l'album sur une touche presque progressive multipliant les breaks et les parties instrumentales très bien développées qui pourraient donner des idées d'avenir au groupe.
"Lohamboto" est un disque qui respire la sincérité et qui a le mérite de redonner du sens au rock qui a perdu parfois son âme dans nos contrées occidentales. Loharano dénonce l'oppression et tente d'éveiller les consciences tout en restant ancré dans sa culture, sans aucun compromis. Cette touche world apporte un plus indéniable : un vent de fraîcheur qui fait du bien surtout en ce moment. Nous avons hâte de connaître la prochaine étape.