Après avoir généreusement mis à contribution sa guitare pour d'autres (La Grande Sophie, Damien Saez, Françoise Hardy), Daniel Jea a entrepris une carrière solo depuis 2020 en compagnie de deux partenaires, mesdames Cartigny et Rambaud. "Se Taire Et Écouter" est la troisième pièce d'une trilogie débutée par "A l'Instinct, à l'Instant" et "En Suspens".
La musique de Daniel Jea pourrait être dépeinte comme un fleuve mélancolique agité. Agité car derrière le vague à l’âme se dresse une rage qui tend parfois à éclater. A l'inverse des précédents albums, les hostilités commencent d'entrée de jeu. 'Lâche' avec sa basse cinglante et un jeu de batterie en saccades cultive un son rock et nerveux et pourrait servir de carte de visite de l'artiste. Ce besoin de décharger se retrouve tout au long de la première partie de l'album ('Si Tu', 'Bitume') mais l'artiste choisit de rebattre les cartes en optant pour une deuxième partie plus introspective et mélancolique. Le morceau éponyme reste relaxant grâce aux errements bénéfiques de la guitare ainsi qu'aux mélopées féminines, malgré quelques larsens et sons distordus. L'album se termine sur 'L'Infini', ballade orageuse sur laquelle l'artiste semble fixer en face son auditeur. La dichotomie entre les deux parties n'est toutefois pas aussi tranchée car un morceau comme 'Vu D'Ici' joue du chaud et du froid avec un refrain énergique et des couplets plus apaisés.
Les textes de Daniel Jea pointent du doigt les travers de notre société. Sur 'Lâche', on entend des voix de femmes victimes de harcèlement, malheureusement banalisés au quotidien. S'il est salutaire de dénoncer ces problèmes et malgré la sincérité de son auteur, on pourrait toutefois y voir un peu d’opportunisme, dénoncer le sexisme est dans l'air du temps d'autant plus que le propos de Daniel Jea s'extrême-gauchise sur 'Bitume' et sur 'Si Tu' qui ne sont pas dépourvus de généralités maladroites.
Le découpage de "Se Taire Et Écouter" en une première partie rageuse et une seconde plus introspective nous permet de passer par la violence pour retrouver le chemin vers la sérénité. Les huit titres qui composent cet opus vont à l'essentiel et sont un bon cru de la part d'un artiste dont on aimerait entendre la voix un peu plus souvent sur les grandes ondes.