Le groupe anglais Kid Kapichi a débuté au plus bas de l'échelle sociale. Ses membres ont multiplié les petits boulots pour tenter de concrétiser leur aventure musicale qui aurait pu être sans lendemain. Après un premier album enregistré pendant le confinement, le groupe punk a cette fois-ci investi de véritables studios avec un nouveau producteur (Dom Craik de Nothing But The Thieves) pour graver son second album au titre sarcastique ''Here's What You Could Have Won".
Sans grande surprise pour un groupe très intéressé par les questions sociales, cet album parle de l'Angleterre post-Brexit et post-Covid, deux phénomènes qui ont eu un effet néfaste sur celle qui était naguère appelée la perfide Albion. Il y a urgence et le punk semble être le genre le plus à même de tirer la sonnette d'alarme. Cet album aurait d'ailleurs pu être pensé comme un concept-album tant tous ses thèmes hantent les compositions du groupe.
Cette urgence se traduit d'entrée de jeu avec 'New England' qui déclenche les festivités et nous prouve qu'elles ne seront pas de tout repos. Sur cette piste tourmentée, le groupe est rejoint par le duo punk-hip-hop Bob Vylan qui apporte une dimension tranchante à un message déjà violent. Le groupe décline une série d'hymnes punk ('Rob The Supermarket', 'Cops And Robbers') avec des guitares plus lourdes que la moyenne, parfois proches du metal. Jack Wilson semble avoir pris en lui toute la colère d'un peuple et son chant prend des accents rageurs, désespérés voire monstrueusement déformés.
Le punk a souvent été décrié en raison de certains clichés : deux accords, des looks d'ivrognes, des vêtements déchirés et surtout un chant innommable. S'il est vrai que les héritiers directs de la fausse image véhiculée par le manager des Sex Pistols n'ont pas fait long feu (les autres savaient jouer et ont ouvert de nouvelles voies), le punk a eu le mérite de s'enrichir en ne se fixant aucune barrière. C'est le cas de Kid Kapichi, qui ne se refuse aucunement des incartades dans d'autres genres, prêchant un punk batard de bon aloi. Le meilleur morceau de l'album 'Tar Pit' révèle toute sa richesse en redistribuant sans cesse les cartes sonores. Mais le groupe ose l'exercice de style de la ballade avec 'Party At Number 10' et 'Never Really Had You' qui s'insèrent avec bonheur dans le corpus kapichien et constituent des pauses bienvenues.
D'une courte durée (35 minutes), cet album devrait réconcilier ceux qui pensent que le punk n'est que ''du bruit sale''. Kid Kapichi garde l'urgence punk sur laquelle il greffe des idées tous azimuts, ne reculant devant aucun genre, y compris les plus inattendus. C'est d'ailleurs une ballade étincelante et relaxante, 'Special', qui ferme l'album, comme pour nous dire qu'après avoir goûté des horreurs du Brexit et du Covid, l'Angleterre peut encore espérer retrouver une lueur d'espoir.