Peu d'informations circulent sur Naguere qui a sorti en cette année son album éponyme à très belle cover pleine de symboles. Sur un fond blanc, pur, figure un cœur qui semble être pressé comme une orange pour en recueillir tout le sang ou qu'on cherche à ouvrir avec les clés dessinées autour. On peut y voir une sorte de montgolfière. Chacun en fera son interprétation, guidé par les 10 compositions poétiques qui composent ce disque. Car ce qui vient en premier à l'écoute, c'est la qualité des paroles, parfois directes, parfois abstraites, qui deviennent de plus en plus rares de nos jours dans les chansons françaises.
Ces lignes, Naguère les habille de mélodies à tendance rock avec une pointe rétro apportée par un accordéon qui intervient régulièrement et judicieusement dans l'album ('Les Réminiscences') à l'image de Claudio Capéo. Cependant, l'artiste paraît ici plus écorché vif que le médiatique chanteur populaire (avec l'exemple de 'Maldoror', tout en tension). Il y a dans cet album un grand écart entre la chanson française à textes traditionnelle des années 60-70 et des touches plus contemporaines ('De Peu' qui tend un peu vers le slam dans sa première partie). L'exercice peut être périlleux mais il apparaît ici bien maitrisé dans l'ensemble. Il y a dans cette recherche d'équilibriste un rappel aux travaux de Hubert Félix Thiéfaine ('Elle Regarde' et sa sublime ligne de cordes).
S'il est souvent très électrique, "Naguère" offre toutefois des moments plus intimes grâce à l'acoustique proposé par 'Pour Ce Qu'il En Reste'. Mais l'ensemble reste très tendu comme en témoignent les biens nommés 'La Rage Derrière' (rappelant 'L'Homme Pressé' de Noir Désir) ou 'Les Mutilés' (qui lui rappelle un peu "Tostaki"). Si les références stylistiques sont nombreuses, Naguère a le mérite non seulement de bien les amalgamer mais aussi d'apporter sa propre personnalité. Les compositions semblent bien avoir été mûries au fil des ans. "Je Crève" termine l'album sur une touche plus intimiste, plus touchante et mélancolique, toute en progression.
"Naguère" illustre magnifiquement ce cœur comprimé, saigné à blanc, attaqué de toute part présent sur la pochette. Il exprime une rage sans vergogne, avec des musiques agressives mais qui cachent derrière une forme de fragilité et de sincérité. Il y a des albums qui sont de belles découvertes et celui-ci en fait partie. Espérons que la suite sera tout aussi belle et peut-être plus apaisée.