Cela ressemble presque à un mantra. Quel groupe ne dit pas aujourd’hui avoir été inspiré par la pandémie qui s’est abattue sur le monde en 2020 pour écrire son nouvel album ? Les vétérans du hard rock que sont les Anglais d’Uriah Heep n’échappent (malheureusement !) pas à la règle pour la sortie de leur vingt-cinquième album puisque Mick Box, seul rescapé de la formation originelle, affirme que le titre de l’album reflète cette période chaotique et que Dave Rimmer, co-auteur avec Jeff Scott Soto du premier single, ‘Save Me Tonight’, dit que ce morceau est né du « sentiment de frustration et d’impuissance à vivre ces deux dernières années ».
Fort heureusement, en 53 ans de carrière, les Britanniques en ont vu d’autres, et ce n’est pas une petite pandémie qui va briser leur moral. Loin des albums larmoyants inspirés par ce déplorable contexte, "Chaos & Colour" est un disque chaleureux et vibrant de vitalité comme le sont tous ses prédécesseurs. L’auditeur est happé d’entrée de jeu par le binôme ‘Save Me Tonight’/’Silver Sunlight’, direct, entraînant et donnant furieusement envie de taper du pied. Uriah Heep assume pleinement son statut de légende du hard rock et prouve crânement que les années qui passent n’ont pas de prise sur lui. L’album est globalement énergique et quand le tempo se calme, les musiciens ne confondent pas douceur et mollesse.
"Chaos & Colour" possède tous les marqueurs du groupe : des compositions toujours accrocheuses, parfois très directes comme les deux titres précités ou le trépidant ‘Closer to Your Dreams’ qui clôture l’album, parfois plus élaborées sur les morceaux les plus longs, flirtant avec le progressif (‘You’ll Never Be Alone’), des harmonies vocales luxuriantes, et les duels sur chaque titre ou presque entre la guitare et l’orgue Hammond (béni soit-il !) dans de courts mais savoureux solos.
Difficile de trouver des défauts à ce disque : tout fonctionne, la composition, l’interprétation, les solos de claviers et de guitare (et même de basse sur ‘Freedom to Be Free’), l’accompagnement rythmique (grosse présence de la batterie et d’une basse qui ronronne), le chant, puissant mais jamais trop démonstratif de Bernie Shaw, parfait. Certes, Uriah Heep fait du Uriah Heep, mais le groupe n’accuse vraiment pas son âge. Tout est en place, professionnel, convaincant. Du très bon hard rock à l’ancienne.