Si de nombreux artistes se copient plus ou moins intentionnellement au point qu’il devient impossible de les distinguer, ce n’est certainement pas le cas de Björk. La chanteuse islandaise possède un style bien à elle, qu’il s’agisse de la composition ou de l’interprétation, et ce n’est pas avec son dixième album "Fossora" qu’elle va rentrer dans le rang de l’armée de clones qui nous sature de productions passe-partout.
Mais cette originalité a une contrepartie : le caractère franchement avant-gardiste et parfois expérimental de ses albums n’est pas fait pour plaire aux amateurs de chansons "simples" ou recherchant tout bonnement le plaisir d’une mélodie bien troussée. Plaire est le cadet des soucis de Björk qui construit ses albums au fil de ses envies et de ses émotions. Il suffit de jeter un œil sur le clip d’’Atopos’ (en lien ci-dessous) pour comprendre que l’univers de l’Islandaise est tout autant fantasmagorique que complètement barré. Au-delà du visuel digne des meilleurs délires de Tim Burton, cette association entre beats techno, sextuor de clarinettes basses et ce chant si caractéristique, très articulé, qui s’élance subitement sans raison apparente dans un aigu appuyé, n’est pas à la portée de toutes les oreilles.
Si la créativité débridée de Björk n’est plus à démontrer, celle-ci semble parfois échapper au contrôle de son inspiratrice. "Fossora" alterne ainsi titres provocateurs, parfois irritants de répétitivité ou de dissonances gratuites (‘Ovule’, ‘Allow’, ‘Fossora’ presque pop sur sa première partie mais saturé de percussions indigestes sur la seconde moitié) et morceaux totalement expérimentaux plus ou moins réussis (‘Mycelia’, collage atonal de voix syncopées, ‘Sorrowful Soil’, lui aussi uniquement vocal mais plus séduisant, ‘Trölla-Gabba’ à la limite de l’audible). Au milieu se glissent de temps à autre quelques titres plus mélancoliques, toujours surprenants sur la forme mais réussissant à distiller leur univers doux-amer dans l’âme de l’auditeur (‘Ancestress’, l’angoissant ‘Victimhood’ ou l’onirique ‘Her Mother’s House’ chanté en duo avec sa fille).
"Fossora" est un album très exigeant dont seuls les auditeurs les plus enclins à l’avant-gardisme viendront à bout, mais qui risque de déstabiliser ceux-ci par une certaine inconstance.