Est-il besoin de présenter Sakis Tolis ? Fondateur aux côtés de son frangin Themis de Rotting Christ qu'ils conduisent d'une main crochue depuis 1987, l'homme est à juste titre considéré comme une légende vivante de la chapelle black metal grecque (mais pas que). Après tant d'années à prêcher la bonne parole (noire), il pourrait être tenté de lever le pied. Or le désormais vétéran apparaît au contraire plus actif que jamais, stakhanovisme qui loin de le vider de sa sève créatrice lui fait dresser une inspiration aussi puissante qu'effrontée.
Curieusement, Sakis n'avait encore jamais fait d'infidélité à Rotting Christ, à l'exception d'un Thou Art Lord à la carrière irrégulière. De toute façon, alors qu'il se charge déjà de presque tout au sein de son principal port d'attache, pourquoi aurait-il ressenti le besoin de s'accorder des escapades en solitaire ? De fait, l'existence même de "Among The Fires Of Hell", premier album solo en dehors du giron familial peut surprendre, d'autant plus que, par ailleurs, il ne s'écarte guère du style pratiqué par Rotting Christ, du moins sur ses dernières offrandes. En moins black metal sans doute, en plus gothic assurément, à la manière du Paradise Lost de la fin des années 90 ('My Salvation'). Ne comptez pas le voir en train de fricoter avec de la pop ou de l'A.O.R. ! Ses ouailles ne seront donc pas dépaysées à l'écoute de cette échappée en ermite. Ermite car le bonhomme ne s'est pas encombré d'autres musiciens (sauf pour la batterie) pour accoucher d’un galop d'essai sous son propre nom. Ça tombe bien, il a l'habitude !
S'il noue ainsi une évidente proximité avec les derniers opus de Rotting Christ dont il prolonge la puissance d'airain et cette atmosphère divinatoire ('The Silence') enracinée dans l'histoire et la mythologie de la péninsule, "Among The Fires Of Hell" partage surtout avec ses aînés et faux frères jumeaux une même qualité d'écriture comme d'exécution. Fidèle à une signature immuable qui privilégie toujours l'efficacité, Sakis se fend de neuf titres qui sont autant de brûlots pour lesquels une seule écoute suffit pour envahir la mémoire et y laisser de tenaces stigmates.
Comment résister aux 'We The Fallen Angels’ ou 'Live With Passion (Die With Honour)’, que zèbre un solo de guitare incandescent et autres 'Ad Astra' qu'irriguent d'obsédantes lignes mélodiques ? Cela paraît impossible ! Le ban se ferme avec une relecture aussi grandiose que crépusculaire du 'Nocturnal Hecate' de l'ensemble gothic folk Daemonia Nymphe dont Tolis livre une interprétation puissamment incantatoire, pulsation tribale qui achève en beauté un album au sein duquel elle tient idéalement sa place, sombre et autoritaire.
En somme, il ne sera pas reproché à Sakis Tolis de ne guère s'éloigner de son style de prédilection puisque "Among The Fires Of Hell" reproduit une réussite et un plaisir identiques à ceux de Rotting Christ...