En février 2021 nous avons tous été surpris par le split de Delain, parfait sparring-partner de Within Temptation jusque-là. Quatre mois plus tard, nous l’avons été tout autant d’apprendre que le combo renaissait de ses cendres. Souffler ainsi le froid puis le chaud n’épargne pas le palpitant des fans, d’autant que l’attente a été longue avant que "Dark Waters", le septième album de la formation, ne pointe son nez. La sortie du single 'The Quest And The Curse' l’été dernier n’ayant que chichement nourrit leur impatience, tous les suiveurs des Néerlandais vont désormais pouvoir cesser de grignoter le peu d’ongles qui leur reste.
Martijn Westerholt, considéré comme le leader de l'équipe, a donc décidé de disloquer sa créature puis d’invoquer sa renaissance. Afin que ce phénix ait belle allure, il a choisi d’attirer dans son nid quelques éléments ayant quitté par le passé ce giron. "Dark Waters" voit donc le retour au bercail du batteur Sander Zoer et du guitariste Ronald Landa. Cependant, et sans vouloir leur manquer de respect, tout comme à The Baron le bassiste d’antan remercié, là n’est pas l’élément le plus marquant du retour du groupe. Vécu comme un cataclysme chez les fans, c’est bien le remplacement de Charlotte Wessels qui occulte ces flux de personnel.
Voici donc venir Diana Leah. La chanteuse, Italienne d’origine roumaine, œuvrait jusqu’ici dans le milieu de l’électro et possède une voix fort proche de celle de Charlotte. Ce choix n’est pas innocent, bien entendu. Cherchant à estomper le traumatisme du départ de la belle rousse, Westerholt ne pouvait que diriger ses recherches dans ce sens. Ses intentions de sortir un album de Delain qui sonne à la note près comme du Delain en était une autre. Car point n'est ici nécessaire de chercher une évolution chez les Néerlandais. "Dark Waters" ne surprend en rien, et se présente comme un clone des derniers opus de la formation.
Cette absence de prise de risques peut chagriner, mais ne leur en voulons pas de rester, par prudence, dans leur zone de confort pour ce retour en forme de pari, et louons plutôt la réussite de l’entreprise. Car tous les ingrédients qui ont fait la réussite du groupe sont bien là : les mouvements orchestraux épiques au sein de structures à tiroirs empoignent l’auditeur ; le chant lyrique, sucré et haut perché, souvent polyphonique, et parfois accompagné de voix masculines, est magnifié par des chœurs éthérés et baroques; les mélodies à tendance pop qui font souvent mouche et les riffs toniques de la six-cordes qui les accompagnent et montrent que séduire les foules ne veut pas dire se contenter de les câliner.
Le mini-opéra rock 'Invictus' – où Marko Hietala (ex-Nightwish) et Paolo Ribaldini (Skiltron) poussent la chansonnette – plaira aux adeptes du style. D’autres lui préfèreront les mélodies easy listening de l’épico-pop mélodique 'Beneath' et de 'Moth To A Flame' qui sonne metal electro-dance. Du heavy héroico-pop 'Queen Of Shadow', à la version au piano du single 'The Quest And The Curse' - qui peut être préférée à celui-ci car exempte des growls qui l’envahissent - il y en a pour tous les goûts. A tel point que mêmes les amateurs de morceaux instrumentaux peuvent y trouver leur compte car tout l’album est décliné également dans cette version. Cette écoute permet avec évidence de constater le travail formidable réalisé sur les compositions.
Delain a réussi son retour. Délivrant un album qui plaira à ses fans, le groupe assure ici l’essentiel. Reste que les réfractaires aux penchants spécifiques de ce type de musique – chant féminin lyrique, tendances mélodiques pop, synthés électro et riffs telluriques – continueront de tourner le dos à la formation. Mais qu’importe finalement, que Within Temptation ait retrouvé son sparring-partner préféré est déjà une bonne nouvelle en soi.