Malgré une carrière débutée il y a déjà presque dix ans et que trois offrandes (sans compter le sujet de cette chronique) ont remplie, Twisted Mist demeure encore largement méconnu. Dans une veine folklorique et païenne, la sombre gigue tricotée par Français n'est pourtant pas sans qualités. Certes, ils ne sont ni les premiers ni les seuls ni même les meilleurs à plonger le metal extrême dans une geôle médiévale mais il y a dans leur approche du genre une forme de rusticité obscure ainsi qu'une manière de l'enraciner dans un froid terreau tant historique que géographique qui lui confère à la fois son authenticité et son charme artisanal et rugueux.
Avec peu de moyens, le duo composé de Nicolas et d'Olivier sait nous transporter dans un Moyen-Âge mystérieux au bord de l'apocalypse où les légendes et le sang s'entremêlent en une danse macabre. Flûte, bouzouki, percussions et vielle à roue leur suffisent ainsi pour capter l'âme de ces temps reculés, comme le démontre "Lacerare" qui puise son inspiration dans la Peste Noire. Le tandem en a assuré lui-même la production, ce que d'aucuns ne manqueront sans doute pas de leur reprocher, jugeant que cette prise de son pèche par un déficit de puissance sinon d'ampleur. Ajoutons à cela un chant âpre à même de faire saigner quelques chastes oreilles et il n'est pas certain que ce quatrième album emporte totalement l'adhésion.
Pourtant, outre le fait que ce fuselage sonore comme ces vocalises écorchées participent d'un dépouillement crépusculaire, l'œuvre se révèle riche de nombreux atouts, au premier rang desquels se hisse une écriture superbe qui accouche de compositions souvent envoûtantes. Le mariage entre atours extrêmes et aplats folkloriques fonctionne admirablement, témoin ce 'Nuée Noire' qui rappelle un peu le disparu Bran Barr, (bonne) impression confirmée par 'Nihil Reliquit'. Le chant clair sur 'Complainte au Firmament' distille une poésie enchanteresse tandis que le tribal 'Kyrie Eleison' vibre d'une noirceur chamanique que recouvre l'ombre tutélaire de Wardruna. Au demeurant magnifique, 'Le Linceulé' aurait en revanche mérité un mixage plus heureux entre les deux visages, metal et folk, arborés par le groupe alors que l'instrumental 'Indutiae' se pare d'une touchante douceur acoustique.
En dépit de ses menues maladresses, "Lacerare" ensorcelle par la beauté égrenée par tout un ensemble d'instruments traditionnels lesquels, alliés à des guitares abrasives et un chant noir qui déchire la nuit, plonge l'auditeur dans ce Haut Moyen-Âge que guerres et maladies rongent comme une colère divine. Beaucoup de bonnes idées, des mélodies qui laissent de durables résidus dans la mémoire, des musiciens sincères, c'est peu dire que Twisted Mist est un groupe intéressant auquel seule une production plus professionnelle fait défaut pour lui fournir l'écrin que sa musique mérite.