CONAN: Evidence Of Immortality (DOOM) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Plutôt fécond à ses débuts, Conan aura cette fois-ci mis quatre ans pour se délester d'une nouvelle enclume. Pandémie oblige... ou pas. Toujours est-il que le successeur de "Existential Void Gardian" était fortement guetté par les fidèles des doomeux de la Perfide Albion et ce d'autant plus que ce dernier en avait alors étonné - ou déçu - plus d'un avec son format plus trapu et ses compos à l'avenant. Le trio allait-il poursuivre son entreprise de démolition de sa propre identité ou revenir à ses fondamentaux ?

Il serait tentant de répondre que Jon Davis a opté pour la seconde voie. La durée des titres qui remplissent "Evidence Of Immortality", oscillant entre 8 et 14 minutes à l'exception de deux d'entre eux, semble vouloir le confirmer. Dans leur âtre crépite toujours ce doom préhistorique reconnaissable entre mille et qui a fait le succès des Britanniques, qui repose autant sur la voix de canard enrhumé de Davis que sur ces riffs volcaniques qui font trembler les murs, solidement épaulés par des lignes de basse d'une puissance à affoler les sismographes. En cela, 'A Cleaved Head No Longer Plots' et 'Equilibrium Of Mankind' sont des modèles du genre, assenant une leçon punitive de doom englué dans le mazout. Bref, du Conan pur jus, comme on l'affectionne, rude et patibulaire. Des timides velléités évolutives affichée par "Existential Void Guardian", il reste cependant quelques stigmates. Le quasi thrash 'Levitation Hoax' et plus encore le sauvage 'Ritual Of Anonimity'', furieusement hardcore dans l'âme, confirment ses résidus plus nerveux, moins doom sans doute quoique pas moins écrasants.

Et puis survient au bout de ce chemin somme toute balisé le monumental (à tous points de vue) 'Grief Sequence' dont on a l'impression qu'il est l'œuvre d'un autre groupe. Un peu comme si nous avions brutalement changé de disque. Monumentale, cette pièce l'est déjà par sa dimension cyclopéenne de près d'un quart d'heure. Mais elle l'est surtout par sa nature non seulement instrumentale mais aussi puissamment funèbre. Claviers liturgiques et batteur qui a le temps d'aller pisser entre deux coups de caisse claire alimentent cette lancinante procession trempée dans une ambiance blafarde inspirée du funeral doom scandinave. Bien qu'il ne se départisse pas de sa grosse patte velue, on ne pensait pas Conan capable de braconner sur cette terre glaciale et mortuaire de prime abord très éloignée de son substrat bourru plus granitique que brumeux. A elle seule, cette complainte justifie l'écoute de "Evidence Of Immortality" dont elle arbore la face la plus expérimentale, démontrant que le groupe n'a pas tout à fait renoncé à ses envies d'évolution.

D'aucuns seront peut-être déçus par la teneur finalement classique de cette cinquième bûche, pourtant outre le fait qu'elle voit ses auteurs s'aventurer sur un surprenant terrain funéraire et cireux, il est permis de voir en lui un des meilleurs albums de Conan plus que jamais maître de ce doom de mammouth qui n'appartient qu'à lui.

CONAN

EVIDENCE OF IMMORTALITY

NAPALM RECORDS

DOOM