Lors de son départ à la retraite en 2021, Angela Merkel avait fait diffuser pour sa cérémonie d'adieu une chanson de Nina Hagen, 'Du Hast Den Farbfilm Vergessen'. On a du mal à imaginer l'ancienne chancelière allemande comme égérie de la papesse du punk allemand. Cet hommage inattendu avait toutefois permis d'entendre à nouveau le nom de l'auteur de classiques tels 'African Reggae', de la ballade étincelante 'King Of Hearts' ou encore du rap 'Michail Michail'. Celle-ci semblait avoir tiré un trait sur sa carrière, son dernier album en date, le très enrichissant "Volksbeat" datait de 2011. Aussi quelle n'a pas été notre surprise de voir Nina Hagen effectuer son grand retour en cette fin d'année 2022 avec un nouvel album intitulé "Unity"...
La papesse du punk - un surnom très réducteur - a toujours fait preuve d'éclectisme dans ses albums et celui-ci ne fait pas exception. Bien malin celui qui pourra deviner à l'avance le style du morceau suivant. L'album s'ouvre sur l'explosif électro- rock 'Shadrack', qui ne lésine pas sur la dépense d'énergie, et la piste suivante 'United Women Of The World' fait aussi parler la poudre. Cette intensité se retrouve tout au long de l'album et à travers différents genres combinés (pop, punk, funk, reggae, rap), sur lesquels les guitares ne sont pas en reste ('Geld, Geld, Geld', 'Venusfliegenfalle'). Nina Hagen a toujours su bien s'entourer : le morceau titre, ode contre le racisme, est un savant dosage de dub, reggae et de funk avec pour assistant nul autre que George Clinton (Parliament, Funkadelic). 'United Of Women' a été co-écrit par sa jumelle américaine Lene Lovich et la chanteuse jamaïcaine Liz Mitchell (Boney M).
Sur l'ultime piste, le folk acoustique 'It Does Not Matter Now', l’icône allemande chante aux côtés d'une ancienne icône du punk irlandais : Bob Geldof (The Boomtown Rats). Malgré le passage des années, la chanteuse allemande de 67 ans a gardé sa voix intacte, celle qui pouvait de façon impressionnante passer de soprano à tenor. Il est toutefois permis de regretter certains effets de studio (principalement des échos) et l'usage du vocoder qui enveloppe sa voix, nous la rendant moins proche (à l'exception de 'It Does Not Matter Now', où elle s'offre en toute intimité). Le chant parlé en allemand sur 'Atomwaffensperrvertrag' risque de perturber ceux qui ne
maîtrisent pas la langue de Goethe mais les autres admireront la façon
de déclamer des mots d'un dialecte inconnu sur un rythme tribal.
L'album contient également des reprises, ce qui n'est pas ici une preuve d'un manque d'inspiration. Son titre allemand ne vous dira rien, mais 'Die Antwort Weiss Ganz Allein Der Wind' est une reprise de 'Blowin' In The Wind' de Bob Dylan, plus céleste que l'original. '16 Tons' du chanteur de country Merle Travis (également reprise par Johnny Cash) devient un rock nocturne sur laquelle plane la voix grave de la sorcière allemande. 'Redemption Day', reprise de Sheryl Crow, se joue des codes pour s'envoler comme une ballade nerveuse aussi inquiétante qu'hypnotique.
Malgré quelques choix discutables de production, "Unity" enchaîne les titres avec une cohérence et un éclectisme certain. Une parfaite porte d'entrée dans l'univers riche et coloré de Nina Hagen.