C’est un rituel aussi vieux que la musique blues. Régulièrement, de jeunes talents nous sont présentés comme les nouveaux prodiges qui vont donner au style la cure de jouvence que tout le monde attend. Le plus souvent, ils sont oubliés en moins de temps qu’il faut à la presse pour trouver un nouveau marronnier. Et ceux qui s’en sortent sont toujours ceux qui, au prix d’un gros travail et de beaucoup d’abnégation, réussissent à trouver leur propre style. Pourtant, il faut bien commencer, et tous sans exception l’ont fait en rendant hommage à leurs aînés. Le nouveau petit prodige (ou du moins présenté comme tel) du blues britannique se nomme Connor Selby, et son premier album, réédité pour intégrer le catalogue du label Mascot, ne déroge pas à cette règle.
Dès le titre d’ouverture, ‘I Can’t Let You Go’, Connor Selby ne laisse aucun doute sur ses principales influences : Eric Clapton pour son jeu de guitare et Ray Charles pour la couleur soul de sa musique. Si ces références peuvent paraître surprenantes pour un jeune homme d’à peine 24 ans, elles ont au moins le mérite d’être suffisamment originales pour susciter l’intérêt, même si elles ne permettent à aucun moment de refléter la personnalité du jeune artiste. Le morceau ‘Emily’ par exemple ressemble étrangement au titre ‘The Core’ de Clapton paru sur l’album "Slowhand" il y a… 45 ans.
Pourtant, Connor Selby arrive souvent à nous étonner par l’éclectisme de son inspiration. C’est le cas avec des titres comme ‘Waitin On The Day’, d’inspiration country, ou ‘Anyhow’ et ses influences gospel. Mais c’est sans nul doute l’appétence du guitariste pour le rythm and blues de l’école Stax (‘Falling In Love Again’, ‘Show Me A Sign’) qui fait la différence et qui, grâce à sa voix étonnamment mature et l’utilisation judicieuse des cuivres, permet à Connor Selby de se positionner comme un musicien clairement en marge de sa génération.
Malgré ses qualités, ce premier album de Connor Selby a donc tout d’un album de vieux réalisé par un jeune. Passé l’effet de surprise, il faut bien constater qu’il n’apporte pas grand-chose à la scène blues. Pourtant, avec son jeu de guitare fin et précis et sa voix grave qui semble déjà avoir vécu dix vies, le jeune homme a indéniablement le potentiel d’un futur grand artiste. A lui de trouver sa voie en s’émancipant de ses influences trop envahissantes, et de savoir résister au conservatisme pour laisser éclore sa vraie personnalité.