Si Tavat est un nom qui ne vous dira (encore) rien, en revanche Sammal ne manquera pas d'évoquer pour l'amateur d'effluves progressives et joyeusement boisées l'un des héritiers les plus talentueux de la scène folk prog finlandaise. Quel est le lien entre les deux groupes ? C'est bien simple, ancien claviériste du second, Juhaini Laine entame aujourd'hui une carrière solo sous la bannière de ce Tavat tout frais dont cet album éponyme est la carte de visite.
En solo peut-être mais ni en solitaire ni loin de son précédent port d'attache puisque Juhaini s'est (bien) entouré des membres de Sammal, notamment Jan-Erik Kiviniemi au chant, cependant que de nombreux musiciens viennent enrichir sa palette colorée d'instruments, certains attendus (la batterie entre les mains du mercenaire Taneli Manninen), d'autres beaucoup moins (trombone, vibraphone). Les chanteuses Emilia Roos et Maiju Oikarinen apportent quant à elles une touche de féminité à un projet qu'on devine musicalement bruisser d'un chatoiement forestier.
La proximité avec Sammal n'est pas qu'humaine car Tavat baguenaude sur une même sente moelleuse et champêtre. Les claviers dégueulent de toutes parts, tressant un tapis d'ambiances veloutées et tendrement bucoliques ('Vaarat Ja Virrat') voire presque jazzy ('Äreä Aamunkoito'), même si les traits se durcissent par moments, comme en témoignent l'entame 'Puolimieli' ou 'Kustu Toisaale' dont la rythmique plus appuyée s'accouple à ce son d'orgue comme échappé des années 70.
D'essence instrumentale, ce galop d'essai puise néanmoins sa poésie fleurie du chant masculin en finnois ('Oljenkorsi') tandis que sa douce mélancolie s'écoule de ces mélopées féminines tour à tour séduisantes ('Pohjoinen') ou spectrales ('Kehdon Koettelemus'). C'est d'ailleurs dans ces teintes parfois désenchantées que Tavat tire sa personnalité. Hanté par le trépas prochain de son père, avec lequel il collabore pour la dernière fois (il signe la pochette de l'album), Juhaini Laine n'a pas pu se détacher de cette mort en maraude en composant un opus qui malgré tout ne s'abîme jamais totalement dans l'affliction, préférant affronter la grande faucheuse de façon paisible.
Fort de ce bel album de rock progressif antédiluvien typiquement finlandais, Tavat présente désormais avec Sammal deux excellents groupes même s'il est permis de se demander comment ce dernier survivra au départ de son claviériste qui n'était pas étranger à son charme, loin de là. Réponse avec "Aika Laula" qu'il publie de son côté au même moment...