Historiquement, gagner l'Eurovision s'avère être un succès éphémère et peu de groupes auront profité de cette exposition pour s'installer durablement. Abba en 1974, Lordi en 2006 et... c'est tout... jusqu'à ce que Maneskin, un jeune groupe italien, vienne gagner l'édition de 2021 et fasse toujours parler de lui deux ans plus tard via des singles comme l'excellente reprise de 'Beggin', 'I Wanna Be Your Slave' suivis de 'Supermodel' et 'The Loneliest', deux titres que l'on retrouve dans leur nouvel album, "Rush!".
Pour asseoir son début de notoriété internationale, Maneskin a cette fois délaissé l'italien pour chanter en anglais. Seuls trois titres sont déclamés dans la langue natale du groupe, 'Mark Chapman', 'La Fine' et 'Il Dono Della Vita', compositions de facture assez classique et pas spécialement réussies. Pour le reste, le groupe n'a pas foncièrement changé de recette et continue à l'appliquer. On retrouve ainsi de nombreux titres, souvent sautillants, toujours directs et très courts (moins de trois minutes) basés sur une structure simple couplet/refrain, une rythmique binaire avec une grosse caisse sur tous les temps et le petit solo qui permet d'apporter un peu plus d'énergie. Parmi les titres suivant ce schéma, citons un 'Gossip' aux faux airs d'Imagine Dragons qui profite de l'apport de Tom Morello (Rage Against The Machine) sur deux petits soli plutôt bien intégrés, l'insupportable 'Bla Bla Bla', un 'Gasoline' assez original car bien plus grave qu'à l'accoutumée avec son énorme basse saturée et son final dissonant, un 'Feel' très proche des White Stripes, le passe-partout 'Don't Wanna Sleep' et enfin les deux singles que sont tout d'abord 'Mammamia' dont le nombre d'écoutes sur les plateformes de streaming peut surprendre tant elle est typique du genre Maneskin et 'Supermodel' qui mérite un peu plus son succès par son côté entrainant, ses multiples breaks et sa mélodie sympathique.
Lorsqu'il sort de ce cadre très stéréotypé, Maneskin ne cherche cependant pas à révolutionner sa musique et propose des morceaux qui certes sonnent bien mais qui ne resteront pas dans les mémoires. 'Own My Mind' est ainsi un titre correct presque pop sauvé par son dynamisme de fin de morceau tout comme 'Baby Said' qui a la bonne idée de proposer un pont lumineux l'emmenant, malheureusement trop brièvement, dans une autre dimension. Enfin, dans la mouvance actuelle pop/variété moderne destinée aux radios et à la mélodie percutante, 'The Loneliest' clôt l'album sur une note mélancolique bienvenue.
Maneskin, 'les nouveaux rois du Rock' peut-on lire sur la toile. Ce n'est pas avec "Rush!" que l'on peut arriver à une telle conclusion. Certes le groupe bénéficie d'une très bonne image, rebelle mais pas trop, ses chansons sortent effectivement du moule mainstream dans lequel les radios nous engluent, elles contiennent de la guitare électrique et même des soli ! C'est une très bonne chose. Mais la recette, à force d'être répétée, pourrait bien commencer à lasser et qu'en dehors de quelques titres intéressants, l'ensemble reste assez moyen avec trop de morceaux quelconques. Les membres de Maneskin sont jeunes, ils ont du potentiel mais arriveront-ils à ajouter leur nom dans la courte liste des groupes que l'on a retenus dans l'histoire de l'Eurovision ? Réponse dans un ou deux ans.