Elvis Costello, Declan Patrick MacManus pour les intimes, a toujours fait preuve d'un savoir-faire assez remarquable. Riche et abondante, sa discographie s'est aventurée au carrefour des genres musicaux : new wave, blues, rock, country, pop, funk, musique classique ou encore jazz. Il serait fastidieux d'énumérer les morceaux éternels et incontournables signés de sa plume (une seule, la délicate ballade 'Alison', présente sur son premier album "My Aim Is True"). Pour la sortie de son 32ème album solo "The Boy Named IF" (If serait l'Imaginary Friend - l'Ami Imaginaire), Elvis Costello, 68 ans au compteur, a choisi de s'entourer comme à la grande heure d'un groupe baptisé The Imposters.
Parmi ces faux imposteurs, nous retrouvons certains des rescapés de son groupe des 70's The Attractions, Pete Thomas à la batterie et Steve Nieve, fidèle collaborateur, au piano. 'Farewell OK' permet à l'album de démarrer en cinquième vitesse avec un beat twist/rock'n'roll agrémenté de l'orgue Hammond, de la frappe puissante du batteur et de guitares bien en avant. Le constat est sans appel, Elvis a fait une cure de jouvence qui nous fait atterrir sur la planète 70's ! Tout au long des 52 minutes que dure l’album, les treize pièces d'inspirations variées, avec un rock énergique comme dénominateur commun, s'insèrent harmonieusement pour former un exceptionnel puzzle sonore, à tel point que l'on pourrait se méprendre sur l'objet, qui a tout d'un best of de luxe, best of de morceaux nouveaux... L'agressif 'Magnificient Hurt, avec la basse ronflante de Davey Faragher, aurait pu figurer sur "This Years' Model", sorti en 1978 ! 'Penelope Halfpenny' ou le faux tranquille 'The Man You Love To Hate' se font évasifs, passant par différentes humeurs, 'Mistook Me For A Friend' est une véritable montagne russe du rock sur lequel le chant se fait vertigineux, dans un souffle.
La voix acide est intacte, elle sait tour à tour se faire rauque, énergique mais aussi désespérément passionnée (alternant les deux sur le titre éponyme très chargé émotionnellement). Les amateurs de ballades et de l'aspect malgré tout tendre de l' "encyclopédie du rock" comme on l'a naguère surnommé ne seront pas déçus. 'Paint The Red Rose Blue', qui voit l'artiste s'installer au piano, déroule ses délicates volutes de félicité sur lesquelles sa voix d'Elvis se fait enchanteresse. 'My Most Beautiful Mistake' se fait un peu plus musclé pour un résultat à nouveau efficace, avec un refrain gorgé du soleil de la voix de Nicole Atkins. Les paroles sont toujours remarquables comme des petites vignettes colorées par un narrateur en verve ('Farewell OK' renoue avec son rapport conflictuel Elvis/femme). C'est d'ailleurs une ballade, la mélancolique 'Mr.Crescent', qui conclut l'album sur une note pleine de vitalité.
On parle souvent à tort de génie musical, mais pour ce cas qui nous intéresse, il faudrait bien se rendre à l'évidence : Elvis Costello est l'un des génies/travailleurs du rock les plus sous-estimés et il le prouve avec cet album mené d'une main de maître de la première note jusqu'à l'ultime seconde. Il n'est pas encore trop tard pour assister au sacre du roi Elvis !