La pandémie suivie de ses multiples confinements a eu pour effet de chambouler les habitudes de très nombreux artistes et le besoin de combler un vide semble avoir été une des principales quêtes pour plusieurs d'entre eux dont les Yeah Yeah Yeahs qui n'avaient pas spécialement prévu de sortir un album avant que ces évènements n'aient frappé la planète. Il aura quand même fallu attendre neuf longues années et une crise existentielle pour qu'ils donnent une suite à "Mosquito", leur précédent album qui proposait des titres plutôt rock légèrement mâtiné d'électro. C'est chose faite avec ce "Cool It Down", opus très court d'un peu plus de 30 minutes qui devrait surprendre les habitués du groupe.
Dès le titre d'ouverture, la raison saute aux oreilles. Si les Yeah Yeah Yeahs ont eu tendance à recourir aux sons électroniques sur leurs différentes productions et tout particulièrement dans "It's Blitz", il faut reconnaître que sur ce "Cool It Down", ils sont allés au bout du concept tant ils sont omniprésents. Si vous n'aimez pas les nappes de claviers et autres arrangements synthétiques et que vous ne jurez que par les prouesses instrumentales, passez votre chemin car le contenu de ce nouvel album est presque intégralement synthétique. Les interventions des guitares se réduisent à quelques riffs souvent pleins de fuzz qui ne servent qu'à renforcer les ambiances et, si la batterie avait été programmée, la différence n'aurait sans doute pas été flagrante.
Le groupe nous embarque ainsi dans un trip électro la plupart du temps grandiloquent comme dans le single 'Spitting Off The Edge Of The World', lent et dramatique, qui s'adresse aux climatosceptiques ou l'excellent 'Wolf' avec ses claviers remplissant tout l'espace et au refrain énorme, effet renforcé par le fait qu'il est à chaque fois précédé d'un break. Les ambiances peuvent aussi se faire mélancoliques le temps d'un 'Lovebomb', titre presque trip hop, une fois de plus noyé sous les nappes synthétiques sur lesquelles se pose la voix de Karen O parfois chantée, souvent déclamée et qui se termine sur un fade out d'une autre époque. Et lorsque l'on retrouve un peu du Yeah Yeah Yeahs d'autrefois comme sur le très groovy 'Fleez' quasiment construit par la section rythmique avec sa basse remplie de fuzz et sa batterie électronique tonitruante ou sur 'Burning', très typé soul via son chant, son piano et ses sons de guitare, c'est toujours sous le sceau de la modernité et de l'emphase. Comme le veut la tradition post-pandémique, on peut regretter que la fin de l'album soit un peu bâclée avec un 'Blacktop' qui ne détonne pas dans cet ensemble mais manque d'accroche, un 'Different Today' un peu simpliste et un 'Mars' carrément glucose.
Avec cinq très bons, voire excellents titres sur huit, le contrat est largement rempli. Le travail accompli sur la production et la recherche de la juste sonorité est assez impressionnant et le chant de Karen O, qui a un vrai don pour moduler sa voix en fonction des ambiances, est toujours aussi vecteur d'émotion. Comme bon nombre de groupes, les Yeah Yeah Yeahs ont eu besoin de s'exprimer et de trouver un exutoire à une situation stressante et il est plutôt logique qu'ils l'aient fait à travers leur art. Et même si "Cool It Down" s'apparente plus à un EP spontané qu'à un album complet et mûrement réfléchi, il reste une excellente expérimentation.