A la première écoute de "Terran", on se dit que Morgan Reid est ce genre de guitaristes qui devait passer ses journées à écouter des albums de guitare dans les années 1990. Sauf qu'il n’était encore qu’un jeune trentenaire ayant découvert la six cordes (enfin la sept) il y a une quinzaine d’années. A moins d’avoir eu un géniteur écoutant du Alan Holdsworth, Tony McAlpine ou Greg Howe, le virtuose canadien a plutôt dû passer des nuits blanches à se travailler son instrument tant il a su digérer la recette de ses maîtres.
Mais il serait hâtif de réduire les prouesses de Morgan Reid à sa technique, car si cette dernière est remarquable, il ajoute une rythmique bien heavy pour faire headbangger les adeptes de metal contemporain ce qui manquait cruellement aux albums de ses pairs. Morgan Reid est ainsi loin d’être un vieux (jeune) nostalgique de l’ère des guitar heroes et il fait honneur à ses idoles tout en leur offrant un bon ravalement de façade.
Mettre Morgan Reid dans une case serait toutefois lui faire affront. Et on n’aime pas faire affront à quelqu’un qui a démarré les arts martiaux à quatre ans. En effet, il sait parfaitement alterner rythmiques syncopées, nappes de clavier et double pédale pour soutenir ses tranchants power chords. Ses rythmiques plantent toujours le décor et laissent une place de rêve à ses envolées de legato, aller-retour, sweeping, tapping, harmoniques artificielles… Bref, tout le jargon du shredding y passe. Ça peut peut-être en lasser certains, même si on sent que ce petit génie retient les chevaux pour ne pas abuser de la technique.
De la place, il en faut à ce chorégraphe/danseur de formation, habitué à occuper l’espace qu’on lui donne. Cela dit, on peut néanmoins regretter l’absence d’un chanteur. C’est certes le principe même de la musique instrumentale, mais lorsqu’on arrange des plages laissant suggérer l’arrivée d’un couplet ou d’un refrain, on peut éventuellement frustrer l’auditoire. En revanche, il est difficile d’en vouloir à Morgan Reid qui a mis quatre ans à nous livrer son premier album solo, arrangé et produit par ses soins d’ailleurs.
S’il risque d’être immanquablement catalogué guitar hero, Morgan Reid devrait faire parler de lui, pourvu qu’il sache transformer l’essai. Car ce touche-à-tout aurait volontiers sa place dans un groupe de plus grande envergure. Un guitariste-danseur-karateka qui s’auto-produit avec un tel brio mérite une scène à sa taille. En somme, pour un premier album solo, c’est réussi ! Les morceaux sont équilibrés, punchy, et les friands de technique seront comblés.