Si vous n’êtes pas expert en mythologie nordique, vous raterez peut-être les subtilités de l’épopée contée au fil de "Heimdal", mais rassurez vous, le bassiste/chanteur du groupe norvégien Enslaved, Grutle Kjelison, avoue lui-même avoir mis du temps à comprendre la portée des frasques ésotériques proposées par le génie multi-instrumentiste du groupe, Ivan Bjornson. Il y a toujours un risque à parler de sujets que peu de gens comprennent, mais on ne fait pas d’omelette (norvégienne?) sans casser des œufs.
Cela étant dit, bien qu'ultra romancé à la sauce hollywoodienne, les adeptes des Avengers et notamment de Thor raccrocheront peut-être les wagons plus facilement, Heimdal étant le gardien d’Asgard sensé sonner l’alerte au Ragnarok et tuer Loki.
La mythologie nordique étant au cœur de l’univers d’Enslaved, "Heimdal", le seizième album du groupe, permet de continuer de catégoriser leur musique de Metal viking si l’on y tient vraiment.
Mais il serait bien réducteur de les affubler de cette étiquette et de qualifier leur musique de Metal progressif ou de Black Metal tant leur musique est riche. Bien que les passages de chant growlés puissent rappeler les hurlements démoniaques de certains morceaux de Black Metal, il n’est jamais question de satanisme chez Enslaved.
Le morceau qui ouvre le bal, ‘Behind The Mirror’ donne le "la" sur ce qui nous attend. Tout y est ou presque : décor de Metal progressif, alternances de growl et d’harmonies vocales, nappes atmosphériques de clavier, solo de guitare. Il sert d’ailleurs de rampe de lancement à l’excellent 'Congelia’, morceau de toute beauté qui sous ses allures de Death Metal contemporain est une merveille recelant toute la magie d’Enslaved, pourvu qu’on accepte de se laisser embarquer dans les aventures du dieu Heimdal. La musique des Norvégiens implique un certain lâcher-prise, mais le jeu en vaut la chandelle.
‘Forest Dweller’ aurait pu être co-écrite par Opeth, mais Enslaved prouve qu’il n’a rien à envier aux grands noms du hall of fame du metal, et en 30 ans de carrière, le groupe jouit désormais d’une expérience qui force le respect. ‘Kingdom’ est un de ces morceaux absolument indispensables dans un album. C’est la pierre angulaire qui remet les pendules à l’heure à ceux qui doutaient encore qu’Enslaved est avant tout un groupe de rock à l’aise dans tous les styles.
Le titre éponyme ‘Heimdal’, ponctuant l’album, a musicalement des réminiscences de Meshuggah dans sa construction en contre-temps, mais la comparaison s’arrête là. D’ailleurs le morceau est en norvégien, ce qui n’arrange pas nos affaires pour accompagner Heimdal dans ses aventures.
Mais qu’à cela ne tienne, la musique d'Enslaved est si envoûtante que le voyage n’en est pas moins beau. "Heimdal" s’écoute en boucle, l’infinie richesse de sa musique se découvrant au fil des morceaux. Un album majeur qui, espérons le pour le groupe, aura l’accueil qu’il mérite.