Iggy Pop, l'enfant terrible du rock, nous avait donné la fausse impression d’être devenu un inoffensif artiste francophile entre 2009 et 2012. Malgré leurs qualités, les albums jumeaux "Préliminaires" et "Après" manquaient un peu de mordant et il était tentant de conclure que l'Iguane n'avait plus de ressources. Pourtant, celui-ci a repris du poil de la bête en sortant "Post Pop Depression" en 2016 et surtout "Free" un extraordinaire album de... jazz expérimental ! Pour la sortie de son 20ème album "Every Loser", le sieur Osterberg, 75 ans, avait annoncé vouloir effectuer un retour aux sources.
Pour mener à bien sa cure de jouvence, celui-ci s'est attaché les services du producteur et guitariste Andrew Watt dont le CV cadre bien avec les problématiques d'Iggy Pop (Pearl Jam, Ozzy Osbourne, Lana Del Rey, Blink 182, Justin Bieber, Ed Sheeran) à deux exceptions près ! On retrouve également d'autres invités de luxe tels Duff McKagan (Guns 'N' Roses), Chad Smith, Josh Klinghoffer (Red Hot Chili Peppers) ou encore le batteur Travis Barker (Blink 182). Cet "Every Loser" au titre inspiré démarre sur les chapeaux de roue avec les premiers accords discordants de la guitare de 'Frenzy'. La puissance brute culmine avec les cris de souffrance de la guitare wah wah à peine soulagée par les claviers. On peut quelque peu s'étonner de la voix juvénile de son interprète sur l'explosif 'Neo Punk', comme si les caresses griffues du temps n'avaient fait que l'effleurer et que l'esprit stoogien était éternel. La basse funèbre d'Eric Avery (Jane's Addiction) sur 'Comments' nous place tout de suite dans une ambiance nocturne et asphyxiante qu'apprécie l'artiste mais qui voit une légère éclaircie sur les refrains avec des claviers lumineux new wave.
Car s'il excelle à jouer les durs (les paroles de 'Frenzy' où il nous parle des détails anatomiques d'un dément), sous cette peau de lézard nous retrouvons des émotions à fleur de peau. On y retrouve une belle ballade 'Strung Johnny', 'Morning Show', portée par la voix rauque de patriarche de son interprète ou encore les réflexions sur une cité du lucre 'New Atlantis', avec un revitalisant solo de guitare. On pourra toutefois regretter un léger déséquilibre en faveur des morceaux moins agités, des interludes aussi courts que superflus ('My Animus' aurait mérité une plus longue durée de vie) ainsi que quelques fins de morceaux en déshérence ('All The Way Down'). L'album se ferme néanmoins sur une bonne note avec le feu d'artifices sonore 'The Regency', qui se joue des rythmes et des genres.
Malgré sa courte durée (36 minutes au compteur), "Every Loser" se savoure comme un classique d'Iggy Pop, qui a encore suffisamment de munitions pour défendre chèrement sa peau. Un album rafraichissant, une seconde jeunesse qui devraient inviter les auditeurs à s'enfoncer au plus profond de la jungle du roi des Iguanes.