Il en faut du courage et de l’abnégation pour arriver au bout de "16", le premier album solo d’Einar Solberg. Même si le chanteur de Leprous n’a jamais été un symbole de joie de vivre, se farcir 70 minutes de voix de tête chantant la dépression d’un adolescent de 16 ans n’est pas exactement l’expérience musicale la plus enthousiasmante qui soit. Pourtant, prenons-en ici le pari, nous ne serons pas nombreux parmi les chroniqueurs à dire exactement ce que nous pensons, à savoir que cet album, malgré ses qualités d’interprétation et de composition évidentes, est d’un ennui mortel. A croire qu’Einar Solberg est devenu intouchable dans la sphère metal et prog, alors que sa musique n’est ni l’un ni l’autre depuis longtemps. Pour quelles raisons ? C’est un mystère qui n’est pas prêt d’être levé avec cet album.
Oui, Einar Solberg chante bien, même plus que bien. Oui, sa voix envoûtante est reconnaissable entre mille. Oui, il mérite le respect dû aux musiciens qui ont su, au fil des années, imprimer leur marque et leur vision de la musique. Mais bon sang, avec tous ces atouts, où est l’émotion ? Voilà bien le plus grand paradoxe de "16" : il est totalement dénué d’émotion alors qu’il était prédisposé à en transmettre des tonnes.
Pourtant, le Norvégien prend des risques et essaie de briser les codes. Il a d’ailleurs convié bon nombre de guests pour l’aider dans cette tâche, et les a même fait participer aux compositions : sa sœur sur ‘Where All The Twigs Broke’ (expérimental et pénible), son beau-frère Ihsahn sur ‘Splitting The Soul’ (sans aucun doute le titre le plus réussi de l’album), le violoncelliste Raphael Weinroth-Browne sur ‘16’ (lancinant et soporifique), Ben Levin de Bent Knee sur ‘Home’ (rap/hip hop sans intérêt), Asger Mygind de Vola sur ‘Blue Light’ (pop electro sans âme). Mais rien n’y fait, "16" reste désespérément incapable de nous coller le moindre frisson.
Trop long, trop réfléchi, trop prétentieux, "16" ne décolle jamais vraiment, à part sur le dernier titre ‘The Glass Is Empty’ et son ambiance cinématographique marquée. En fin de compte, ce sont les morceaux ressemblant le plus à du Leprous qui s’en sortent le mieux, ‘A Beautiful Life’ et ‘Over The Top’. Nous qui pensions qu’Einar Solberg avait pris le pouvoir sur la composition des derniers albums du groupe, cet essai en solo nous démontre que nous avions tort et que Leprous n’existerait pas sans tous ses musiciens. "16" a au moins le mérite de nous le prouver.