En ce qui concerne les contrats juridiques et les droits d’auteurs, Toto est devenu une telle usine à gaz qu’il est quasi impossible pour le groupe de sortir un nouvel album studio. Ça n’empêche pas ses membres de prendre encore du plaisir à travailler ensemble. D’ailleurs, Steve Lukather les a tous convoqués pour participer à l’enregistrement de son dernier-né, "Bridges". Joseph Williams, David Paich, Shannon Forrest, Simon Phillips… sont ainsi crédités en bonne place sur cet album qui, de l’aveu de son auteur, "est la chose la plus proche de Toto que les fans obtiendront". Le jeu en valait-il la chandelle ? Rien n’est moins sûr, tant il est douloureux de constater que ces musiciens brillants, Steve Lukather en tête, ne se sont pas vraiment foulés en matière de compositions.
"Bridges" a beau être d’un éclectisme salutaire et bénéficier d’une production impeccable, seuls deux titres tirent réellement leur épingle de ce jeu de dupe : le funky et accrocheur ‘Far From Over’ (que Steve a composé avec son fils Trevor) et l’atmosphérique ‘I’ll Never Know’ et son refrain floydien. Pour le reste, l’album, au demeurant très court, navigue entre ringardise FM (l’insupportable ballade ‘All Forevers Must End’), A.O.R. anecdotique (‘When I See You Again’), et blues sans âme (‘Take My Love’, ‘Burning Bridges’). Même ‘Someone’, dont la vocation commerciale est manifeste, manque le coche, à trop vouloir s’inspirer de The Police avec 40 ans de retard.
Mais le plus énervant reste le manque d’implication du guitariste Steve Lukather. Il est pourtant l’un des meilleurs au monde, il pourrait profiter de ce statut pour composer de vrais solos dignes de son rang. Mais non, il se contente de faire le minimum, engoncé dans un style pop rock FM ultra formaté et dépourvu de la moindre prise de risque. "Bridges" fera l’affaire pour passer le temps sur l’autoroute des vacances, mais sera très vite oublié dès la rentrée. Avec de telles pointures aux commandes, c’est pour le moins navrant.