Petite bestiole d'à peine seize minutes au compteur, "Reversion Of Repressed" n'en est pas moins digne d'intérêt. Il succède à un premier EP éponyme alors que Greh se limitait à une seule âme tourmentée. Depuis, Gjero a recruté un batteur (Monne) et cédé le micro à un chanteur à part entière, Martin Kocula dont certains se souviennent peut-être du "Transzendenz" qu'il a gravé il y a longtemps (en 2016) avec Grau dans un registre purement black metal.
Greh ne noue pourtant aucun lien avec l'art noir puisqu'il baigne dans le charnier crasseux d'un doom sludge punitif. Il y a en effet quelque de chose de vilain, de menaçant même dans la musique ressassée par le trio. Cela commence avec le nom du groupe, qui claque comme un uppercut dans la face et se pare d'une texture austère. Ça continue avec la pochette habillant "Reversion Of Repressed", boueuse et sévère, qui pose le décor, rude, sombre. On ne rigole pas vraiment avec ces Allemands bourrus qui déversent leur noirceur énervée, les pieds coulés dans un sol mazouté. Le chant est biberonné au Destop, la guitare engluée sous une épaisse croûte polluée et la rythmique n'est guère moins engourdie.
Avec ses seize minutes, "Reversion Of Repressed" file forcément très vite. Les titres s'enchaînent, cinq en tout, un brin monotones, toujours creusés dans un même bois, lourds, gorgés de fiel et de dégoût pour la société et les hommes qui la souillent. Ce manque de nuances pourrait être rédhibitoire mais outre le fait qu'il contribue à ériger ce bloc de matière brute, il colle à l'ambiance dépressive voulue par les Allemands qui ont puisé dans leur vécu dans les différentes étapes de leur vie le terreau cathartique nourrissant cette création très personnelle. Greh rumine néanmoins un sludge assez classique dans la forme, plus boueux que survolté. On pense un peu aux Canadiens de Seum, en moins punk et plus doom, enraciné dans un substrat sinistre qui a la froideur de la pierre en hiver.
Un bon quart d'heure et puis s'en va, c'est peu mais toutefois suffisant pour confirmer le potentiel bien réel de ce trio dont on guettera avec attention un futur album longue durée qui, s'il se montre à la hauteur des attentes suscitées par ses petits devanciers, promet une bonne tranche encrassée de dolorisme plombé et hargneux.