Depuis 2007, Enter Shikari a toujours su évoluer au-delà des styles et des étiquettes. Avec sa formule mâtinée de punk, de rock, d'électro, de hardcore, les Anglais de Saint Albans ont donné du fil à retordre à une pléthore de chroniqueurs, réussissant plus ou moins à surprendre leurs fans sans avoir à se répéter. "A Kiss For The Whole World" leur 7ème album aurait même été enregistré selon ses auteurs en utilisant uniquement l'énergie solaire dans une ferme délabrée !
L'excentricité est donc un mot d'ordre pour cette formation anglaise qui ne semble pas en être dépourvu. L'auditeur qui découvre ce groupe risque d’être agréablement surpris. Le départ solennel du titre éponyme avec trompette à l'appui pourrait rappeler une pompe toute royale mais cette instrumentation est taillée en pièces par des guitares acérées. Un départ énergique mais somme toute classique, la lourdeur écrasant la douceur, les Beatles avec Tony Sheridan l'avaient déjà fait avec 'My Bonnie'. Seulement, Enter Shikari ne s’arrête pas là et contre toute attente, le morceau se stabilise autour de sonorités électro-rock, adoucissant son propos sur les refrains et laissant s'exprimer l'énergie punk sur les couplets. D'entrée de jeu, ce morceau nous révèle que le groupe a placé la barre encore plus haut, avec toujours plus d'audace et plus de fluidité.
La suite de l'opus ne faiblit pas et l'expérimentation tous azimuts est à l'ordre du jour. Chacun des morceaux ne saurait se révéler hasardeux ou balourd. Il serait fastidieux de décrire toutes les pistes qui modulent un paysage sonore accidenté mais qui se révèle un régal pour les oreilles. Les synthés sont conviés sur '(pls) Set Me On Fire' en même temps que du screamo, du funk et un chant plaintif. 'Dead Wood' fait appel à un orchestre à cordes qui prend à contre-pied les paroles suicidaires et introspectives (le final reprend du poil de la bête). 'Jailbreak' est une véritable montagne russe, le bolide sonore part sur les chapeaux de roue mais prend bien soin de négocier ses virages. Les amateurs de metal et de hardcore se pencheront quant à eux sur 'Goldfish'... Dans le fond, à la manière de Monsieur Jourdain, Enter Shikari ne ferait-il pas du rock progressif sans le savoir ? La courte durée de l'album (33 minutes) n'est pas rédhibitoire, les portions ayant été assez copieuses.
Enter Shikari fait fructifier son héritage de caméléon sonore et écrit le plus beau chapitre de sa légende. "A Kiss For The Whole World" reprend tous les ingrédients qui ont fait le sel de la discographie des Anglais mais en trouvant de nouveaux chemins à arpenter pour le plus grand bonheur de l'auditeur prêt à se lancer à leurs trousses dans une telle escapade.