La scène black metal française se porte bien, merci pour elle. Les excellents groupes débordent même de partout et plus que jamais. Au fond des caves ou tapis dans l'obscurité, ça grouille de vie. C'est d'ailleurs souvent là qu'on tamise les hordes les plus intéressantes, loin de la lumière.
De lumière, il est pourtant question d'une certaine manière puisque tel est le nom du premier album de Wycca, jeune pousse originaire des froides terres de l'Est de la France. Ce titre peut sembler ironique au sein d'un art qui aime butiner les ténèbres et cultiver la part la plus sombre des choses. Est-ce à dire que cet opus brille par une gaité incongrue ou qu'il est baigné par le soleil ? Que nenni, évidemment. Il n'en demeure pas moins que tout n'est pas noirceur dans un ensemble aux multiples lueurs et atmosphères.
Le chant de Robin Arkhen, maître des lieux et âme solitaire qui s'est chargé de tout, de l'écriture à l'exécution (sauf la batterie, martelée par Jordan Kieffer), possède ce grain âpre qui fouille les entrailles de la nuit et les démons qui l'accompagnent tandis qu'un blizzard glacial ne manque jamais de souffler sur des compositions aux reliefs meurtris ('La Valse du Chamane'). Mais des puits de lumière les trouent en effet. Là des chœurs majestueux qui donnent envie de galoper dans la montagne, une corne d'hydromel à la main (‘Saignée des Cendres'), ici des morsures de guitares gorgées de mélodies ('Nébuleuse des Ames'). L'assise technique acérée du bonhomme qui a promené ses guêtres dans nombre de formations n'est pas étrangère à cette accroche mélodique.
Cela n'est néanmoins pas suffisant pour vider de sa sève noire et bouillonnante une offrande qui entretient son ambivalence, tout entière écartelée entre noir et blanc, entre ombre et clarté, entre violence et mélodie. Le concept même qui guide Wycca explique ce clair-obscur. Son nom se réfère bien sûr au wiccanisme, mélange de sorcellerie et de croyances anciennes comme le chamanisme. Il serait tentant dès lors à la lecture de cette définition de positionner le groupe dans le sous-genre du pagan black mais en vérité il dépasse et transcende cette simple case dont il respecte certains invariants (ambiances chamaniques, chœurs enivrants) mais s'en affranchit par un mélange étonnant de sophistication et de puissance aussi torrentielle que rocailleuse.
"Lumière" marque l'acte de naissance d'un projet au potentiel à peine défloré, la forme à la fois abrupte et mélodique, le fond connecté à la terre ancestrale à la manière d'un voyage intérieur.