Avec 55 ans d’existence, Soft Machine s’affiche comme l’un des plus vieux groupes encore en activité, au côté de Yes et de Deep Purple. Bien évidemment, avec une telle longévité, les mouvements de personnel ont été nombreux et aucun membre du groupe initial n’est présent dans le line-up actuel. Néanmoins les musiciens se sont passés le flambeau d’album en album, conservant le style de ses origines au fil des décennies.
"Other Doors" qui paraît cinq ans après "Hidden Details" ne bouscule pas cette tradition. Soft Machine y perpétue un jazz rock plutôt calme où les improvisations sont légion et la technique irréprochable. Ce style musical exigeant s’adresse comme d’habitude aux oreilles habituées et aux esprits prêts à accepter quelques entorses à l’harmonie.
Car les amateurs de mélodies construites trouveront bien peu de choses à se mettre sous la dent, la plupart des titres se résumant à des improvisations plus ou moins longues de guitare électrique, de basse, de saxophone et de flûte émaillées de quelques passages expérimentaux. Parmi les réussites, les titres les plus atmosphériques, voire évanescents, dégagent une sensation de bien-être et d’apaisement (‘Careless Eyes’, ‘A Flock of Holes’, ‘Whisper Back’, ‘The Visitor at the Window’). A l’opposé, les improvisations destructurées de ‘Crooked Usages’, ‘Fell to Earth’ (en dépit de ses intro/outro de sax inspiré) et ‘Maybe Never’ sont parfaitement ennuyeuses, laissant l’impression que chacun joue dans son coin sans s’occuper des autres.
D’autres improvisations plus mélodieuses tournent malheureusement à la démonstration technique un peu vaine ("Voyez comme je joue bien !"), à l’instar du long solo de basse sur ‘Now! Is the Time’ qui a pour seule excuse d’être l’adieu à 83 ans de Roy Babbington à Soft Machine après 52 ans de bons et loyaux services. C’est finalement sur l’ultime titre, ‘Back in Season’, que Soft Machine montre ce que devrait être tout bon morceau à base d’improvisations : une complicité entre les musiciens dégageant une atmosphère stimulant l’imagination de l’auditeur.
"Other Doors" (à la superbe pochette colorée) n’est pas le meilleur des albums de Soft Machine mais n’est pas non plus un mauvais disque. La majorité des titres s’écoute agréablement, mais sans frisson, les quelques titres purement expérimentaux s’avérant plus énervants que dérangeants et ne jouant pas leur rôle de piment. Le tempo très calme de l’album et ses tonalités ouatées inciteront certains à la rêverie et feront sombrer les autres dans un profond sommeil.