On peut être natif de Palerme et aimer le rock progressif, ce n’est pas pour autant que l’on soit obligé de jouer du RPI (rock progressif italien). C’est ce que se sont dit les membres d’Homunculus Res dont la musique, si elle doit être qualifiée selon des critères géographiques, est bien plus proche des embruns de l’école de Canterbury, ainsi dénommée parce que la plupart de ses premiers représentants étaient originaires de cette région, que des rayons de soleil de la Sicile.
Les dix titres de "Ecco l'Impero dei Doppi Sensi" retrouvent ce mélange de légèreté fantaisiste et de douce mélancolie qui était la marque de fabrique des Caravan, Hatfield & the North, National Health et autres Soft Machine, appuyant toutefois moins sur la touche jazz que ce dernier. La musique est d’une grande fluidité et garde pratiquement tout du long son caractère mélodique malgré de nombreuses variations de thèmes, flirtant parfois avec la pop (‘Il Bello e il Cattivo Tempo’) ou un psychédélisme rappelant Syd Barrett et les premiers albums de Pink Floyd (‘Fiume Dell'oblio’), et s’aventurant même le temps de ‘Doppi Sensi’ vers une musique expérimentale atmosphérique.
Néanmoins, la tonalité générale de l’album renvoie bien à Caravan et Hatfield, le chant quant à lui évoquant tantôt Richard Sinclair par sa nonchalance flegmatique et vaguement goguenarde, tantôt Robert Wyatt par sa tendre mélancolie et l’utilisation répétée d’onomatopées oniriques. Ce chant (en italien) souvent léger et les musiques timidement ensoleillées qui l’accompagnent ne dévoilent rien des textes plutôt sombres et pessimistes qu’ils portent.
De nombreux invités interviennent chacun le temps d’un ou deux titres, multipliant la diversité sonore dont se pare l’album par la présence de saxophone, flûte, clarinette, hautbois, trompette, cor (liste non exhaustive !) mais aussi d’instruments plus intrigants tels que la flûte panaulon, l’orgue de cristal, le piano à tangentes ou l’harmonica de verre.
Sa relative complexité n'empêche pas "Ecco l’Impero dei Doppi Sensi" de s’appréhender facilement grâce à sa musique fluide et mélodieuse. Sans copier ses modèles, Homunculus Res perpétue avec brio une tradition musicale où peu de groupes s’aventurent.