“Prog Rock Covers”, kesako ? Une compil’ de “Covers” - des standards, donc - piochés dans le catalogue prog de Muséa et mis bout à bout pour donner un “nouveau” produit qui pourrait attirer le chaland. Passons donc sur la pertinence de ce vieux procédé de recyclage mercantile pour nous intéresser au contenu de ce “multi-tribute”, sur des titres parus entre 1970 et 1980.
La difficulté pour le chroniqueur, même plein de bonne volonté, c’est qu’il n’ a pas nécessairement connaissance des originaux ... et l’écueil à surmonter pour les groupes qui ont repris ces morceaux qui n’ont plus rien à prouver, c’est d’apporter quelque chose de neuf et d’original.
L’album s’ouvre sur la toccata d’Alberto Ginastera, adaptée par ELP en 1973, et reprise ici par Gérard, claviériste Nippon, en 1999. Pari osé donc. Car Emerson s’est fait une spécialité de reprendre des morceaux orchestraux pour les adapter avec le culot qu’on lui connait aux synthés, en s’accompagnant notamment d’un certain Carl Palmer, un des batteurs les plus musicaux que l’on ait connus. Les claviers ne sont qu’un décalque un peu édulcoré de ceux du grand Keith, et le solo batterie (timbales) comme les délires électroniques de la section médiane paraissent bien pâles à côté de l’original.
Pangea reprend ensuite le mythique “Time” des Pink Floyd . On voit bien ce qui a tenté ici les Américains : le pari était de donner une tonalité plus métal, ce qui n’est pas une mauvaise idée en soi, à condition de ne pas s’arrêter à mi-chemin : les vocaux, faisant l’impasse sur les chœurs féminins, restent trop suaves, et la guitare reste également trop pop pour embarquer toute l’ambiance. Pas mal, mais inabouti.
Continuant dans la série des ”a priori intouchables”, la “Cover” suivante s’attaque à “Immigrant Song” de Led Zep’ (incroyable comme ce titre de 1970 paraît actuel aujourd’hui ! ). Blue Shift (USA) ne cherche pas ici à faire une réelle adaptation, mais plutôt à coller à l’original, en ajoutant un très court solo d’orgue (bien intégré d’ailleurs) vers la fin du morceau. Un copier-coller pas très original, mais bien réussi.
Pour le titre suivant, Ars Nova , ressortissants de l’Empire du Soleil Levant, nous présentent un meydley de l’album “Birds” (1975) du groupe Trace. Ne connaissant pas les œuvres de ces bataves, j’ai donc découvert un style assez daté, enchainements de doubles croches à l’orgue ou autres claviers, genre musical assez mathématique et pour moi dénué de sentiment, quoique correctement interprété (mais sans aucun relief).
Les transalpins de London Underground (nom logique pour des Italiens !) s’attaquent ensuite à “Travelling Lady” de Manfred Mann, dans sa période plutôt jazzy (donc à une époque où j’avais décroché du groupe, peu emballé par le style). Solo de sax sur fond de cuivres, ambiance bluesy ... je manque de repère pour juger par rapport à l’original, ça me paraît assez conforme à ce que faisait MM à cette époque.
Les Italiens de Twenty-Four Hours nous proposent ensuite “Darkness” de Van der Graaf Generator. VGG est un groupe dont j’ai peu suivi la (longue) carrière, rebuté par le coté sombre de la musique. Ici, la pauvreté des vocaux de Paolo Lippe, essoufflé et limite juste, torpille toute volonté d’accroche de l’auditeur.
En adaptant “Chid in Time” de Deep Purple (1970), le groupe polonais Quidam joue gros. Tout n’est pas parfait dans cette capture live, mais le groupe a eu l’intelligence de comprendre qu’il ne fallait pas espérer retrouver l’hallucinante hystérie de Ian Gillian dans les vocaux ou la pêche infernale du groupe d’origine, alors qu’on œuvre habituellement dans le néo : Quidam a donc astucieusement contourné le probleme en glissant d’une ambiance soft plutot folk vers une section instrumentale typée néo comme ils savent le faire : bien joué, même si la prestation vocale de Emila 'Iza' Derkowska est un peu juste !
Deuxieme titre de VGG adapté sur cette compil’, “House with no Door” par les Français d’Halloween. Les vocaux de Géraldine Lecocq font merveille sur ce morceau intimiste piano-voix capté très finement en public.
Led Zeppelin a droit lui aussi à son deuxième morceau, en l’occurence l’énorme “Kashmir” de 1975 interprété ici par le groupe d’outre-Quiévrain : Now. Le genre de morceau que l'on a de toute façon entendu sans être fan du groupe d’origine (quand je pense qu’à l’époque je jugeais Led Zep’ trop hard pour mes oreilles ...). Si le morceau a été rallongé de quelque 6 minutes ici, je ne suis pas sûr que cette dilution du propos soit en faveur de l’efficacité du titre, joué avec gros renforcements de claviers néo, un peu à l’opposé de l’esprit d’origine ...
Toujours sautant du coq à l’âne (c’est l’esprit compilation qui parle !), nous voici ensuite avec les Ibères de Dificil Equilibrio qui nous font revivre un titre de Gong : Dynamite. J’avoue ne pas être fan de ce style hybride fusion plus ou moins free-jazz, assez déjanté. Ceci dit, c’est très correctement interprété.
Fin de l’album avec l’interprétation de “Strange Days” des Doors par les Canadiens de Visible Wind, très conforme à l’esprit du groupe d’origine (même le timbre vocal singe Jim Morrisson). La musique des Doors a quand même terriblement vieilli (ah, la guitare pédalisée wah-wah des années 70 !) .
Au bilan, ce Prog Rock Covers appelle le même type de commentaire que tous les produits de ce genre : ce n’est pas ce genre de compil’ qui attirera les auditeurs vers le prog et l'on a plutôt après son écoute une furieuse envie de se replonger dans les originaux !